Si vous n’étiez pas inscrit sur les listes électorales pour voter aux européennes, il n’est plus possible de corriger le tir pour pouvoir déposer un bulletin dans l’urne les 30 juin et 7 juillet. Le ministère de l’Intérieur le confirme ce mardi 11 juin : les personnes qui n’étaient pas inscrites sur les listes électorales avant lundi, date de publication du décret présidentiel annonçant les élections législatives anticipées, ne pourront pas voter. «L’élection aura lieu à partir des listes électorales arrêtées à la date du décret. Cela signifie donc qu’il n’y a pas de délai supplémentaire pour s’inscrire sur les listes», a répondu le ministère, sollicité par l’AFP.
L’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale, dimanche soir par Emmanuel Macron, ne change rien : aucun délai exceptionnel n’est prévu. Beauvau se réfère ainsi au droit électoral, selon lequel une personne peut voter si elle est inscrite avant le sixième vendredi précédant le premier tour de l’élection. «L’élection étant annoncée, le délai du 6e vendredi précédant l’élection comme date limite d’inscription ne peut être mis en œuvre», souligne l’Intérieur.
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Les nouveaux majeurs qui fêteront leurs 18 ans entre le 9 et le 29 juin ne sont pas concernés, fait savoir ce mardi 11 juin au soir le ministère de l’Intérieur. Selon Beauvau, les inscriptions sur les listes électorales sont automatiques lors du recensement citoyen par l’Insee à 16 ans. «Toutes les personnes qui se sont inscrites entre le 3 mai [date limite d’inscription pour les élections européennes, ndlr] et le décret sont bien inscrites pour les élections législatives», précise par ailleurs le ministère.
Est-ce que l’exécutif aurait, pour autant, pu repousser cette date butoir ? «Théoriquement non, répond à Libération le constitutionnaliste Benjamin Morel. ll y a une décorrélation entre le fait de s’inscrire et la potentialité de scrutin. La date limite doit permettre d’organiser sereinement l’élection, éviter la fraude.» Et donc même si elle peut poser problème à de potentiels électeurs qui auraient souhaité participer au scrutin, «l’objectif de la norme n’est pas remis en cause». Le professeur de droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas se veut tout de même prudent et souligne qu’il s’agit là de «la version la plus probable» des textes : «Ce que nous vivons est très inhabituel, il n’y a jamais eu de contentieux sur cette situation donc aucun juge ne s’est prononcé sur ce point.»
Interrogé par le Parisien, l’avocat Jean-Christophe Ménard souligne quant à lui que certaines «situations spécifiques» sont prévues dans la loi, comme les radiations irrégulières d’électeurs contestées en justice, les changements d’adresse de fonctionnaires mutés ou les inscriptions de personnes détenues. Le ministère de l’Intérieur n’a pas communiqué sur ces cas.
L’incidence de ce gel des listes n’est pas négligeable et empêchera potentiellement des milliers d’abstentionnistes désireux de participer à cette élection dont les enjeux sont historiques. Les chiffres de l’Insee, en date de l’élection présidentielle de 2022, permettent de l’estimer : à l’époque, 2,9 millions de personnes n’étaient pas inscrites sur les listes électorales. Comme le rappelle l’institut, l’inscription aux listes «n’est systématique que depuis 1997 pour les jeunes atteignant l’âge de 18 ans.»
7,7 millions de «mal inscrits» en 2022
La réinscription n’est pas non plus automatique lorsqu’on change de résidence, et chaque électeur doit entreprendre lui-même de nouvelles démarches. En 2022, ils étaient 7,7 millions à être mal inscrits - autrement dit, leur bureau de vote précédent n’a pas changé, et se trouve potentiellement loin de chez eux. Le chiffre comprend notamment «2 millions de jeunes de moins de 26 ans dont l’inscription dans la commune de leurs parents est autorisée» , précise l’Insee. Sans surprise, les personnes qui ont déménagé depuis peu (un an) sont nombreuses à être mal inscrites : «plus de la moitié des électeurs ayant changé de commune de résidence un an auparavant sont inscrits sur les listes électorales d’une municipalité dans laquelle ils ne résident pas», souligne l’institut.
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Or ces mauvaises inscriptions risquent d’entraver la participation des personnes concernées, qui ne pourront peut-être pas toutes se déplacer dans leur bureau de vote officiel. Et ce alors que les dates de ce scrutin surprise représentent en elles-mêmes un obstacle pour certains électeurs «bien inscrits» qui ont pu prévoir des séjours loin de leur résidence. Contrairement aux non-inscrits, ils ont toutefois une alternative : la procuration. Même s’il vaut mieux s’y prendre tôt, pour s’assurer qu’elle sera bien prise en compte.
Mise à jour : mardi 11 juin 21h35, ajout d’une précision du ministère de l’Intérieur sur le vote possible pour les jeunes majeurs