Mise à jour le 18 mai à 17 h 09 : dans un entretien à l’AFP, Jérôme Peyrat a annoncé qu’il se retirait de la course aux législatives dans sa circonscription du Lot.
La République des mecs se porte bien. Et l’époque de la lutte contre les violences faites aux femmes, décrétée «grande cause du quinquennat» par Emmanuel Macron, paraît loin. La preuve ce mercredi matin. Interrogé au micro de France Info sur l’investiture aux législatives accordée à Jérôme Peyrat, ex-conseiller présidentiel condamné pour violences conjugales en septembre 2020, le délégué général de La République en marche (devenu Renaissance), Stanislas Guérini, s’est livré à une pénible explication.
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«Si j’avais la conviction ou même le soupçon qu’on a affaire à quelqu’un qui puisse être violent et coupable de violence sur les femmes, jamais je n’aurais accepté cette investiture-là», a-t-il argué. Selon le boss des marcheurs, Peyrat serait même un «honnête homme», incapable de violenter une femme. Vieux routier de la droite, conseiller d’Emmanuel Macron en 2019, le maire de La Roque-Gageac (Dordogne) a pourtant été condamné à une amende avec sursis pour des faits de violences conjugales.
🗣 Candidat LREM condamné pour violences conjugales en Dordogne: "Il se soumettra au jugement des électeurs. C’est un honnête homme, je ne crois pas qu’il soit capable de violences sur les femmes", déclare Stanislas Guerini pic.twitter.com/XuMuB0IQAi
— franceinfo (@franceinfo) May 18, 2022
«Ignoble opération de justification»
Le candidat investi dans la 4e circonscription de Dordogne a déjà livré sa version des faits, évoquant une «dispute» avec sa femme. «Je conduisais, elle a arraché mes lunettes, j’ai essayé de la maîtriser, elle a reçu un coup au menton, je n’ai pas cherché à la frapper», plaidait-il auprès de Libération le 12 mai. Le certificat médical des urgences, révélé par Mediapart, liste pourtant les blessures de la victime, ayant reçu une incapacité totale de travail (ITT) de quatorze jours : une douleur au niveau de la mâchoire «avec limitation de l’ouverture de bouche», «un hématome de la face vestibulaire de la lèvre inférieure droite», ainsi qu’«un syndrome de stress et d’anxiété post-traumatique à surveiller pendant une période minimale de trois mois».
Dans son jugement, le tribunal correctionnel d’Angoulême évoque un «incident s’inscrivant manifestement plus dans un contexte de couple pathogène au bord de la rupture […] que dans la personnalité propre de M. Peyrat, inconnu jusqu’à ce jour de l’autorité judiciaire». Un argument repris par Stanislas Guérini, qui parle d’une affaire «complexe». «A la fois il faut toujours permettre la libération de la parole des femmes et jamais donner l’impression qu’on masque, qu’on dissimule», a-t-il déclaré ce mercredi. «Et puis, a-t-il poursuivi, [il faut] regarder les choses dans le détail, dans leur complexité parfois et en l’occurrence, cette affaire-là. Il y a eu une dispute, deux condamnations de part et d’autre. Je crois que l’on peut respecter ça.» L’épouse de Jérôme Peyrat a effectivement été condamnée… mais pour des appels et des SMS malveillants, notait Mediapart.
La majorité investit un homme condamné.
— Clémence Guetté (@Clemence_Guette) May 18, 2022
Pour son ex-femme, c'est :
- une ITT de 14 jours
- des douleurs à la mâchoire
- un hématome de la face vestibulaire
- un syndrome d'anxiété post-traumatique
Et @StanGuerini se lance dans une ignoble opération de justification. https://t.co/k1gJCYPgGU
Pour le patron de LREM, seul compte le «jugement des électeurs», puisque Peyrat n’a pas été condamné à une peine d’inéligibilité. Une position vertement critiquée, notamment par la classe politique. La candidate de la Nupes dans le Val-de-Marne Clémence Guetté a dénoncé «une ignoble opération de justification». «Je n’ai pas de mots pour cette vision de la soi-disant grande cause du quinquennat ! Quelle honte», a également grincé la candidate socialiste dans la 15e circonscription de Paris Lamia El Aaraje. Même réaction outrée chez sa camarade Gabrielle Siry-Houari, candidate dans la 3e circonscription de Paris : «Les condamnés pour violences faites aux femmes n’ont rien à faire à l’Assemblée !».
Sur Twitter, l’Observatoire des violences sexuelles et sexistes en politique, né dans le sillage du mouvement #MeToo Politique a lancé une lettre ouverte visant à interpeller Emmanuel Macron, qui a examiné personnellement les investitures dans chaque circonscription, comme l’ont rapporté plusieurs de ses proches. «Quel message envoyez-vous aux centaines de milliers de femmes victimes en France de violences au sein de leur couple en investissant comme candidat un homme condamné ?», peut-on lire dans cette lettre. Plusieurs associations, dont Attac France, ont également exprimé leur exaspération. En Dordogne, sa candidature provoque aussi des remous. La députée sortante Jacqueline Dubois, qui a été écartée par la majorité, a annoncé ce mercredi qu’elle se présenterait en dissidente. Sur France Bleu, la députée sortante a estimé que «la candidature de M. Peyrat affaiblit La République en marche». Et la sortante d’ajouter : «Son honneur serait de se retirer.» Ce que Jérôme Peyrat a fini par faire, mercredi 18 mai à en fin d’après-midi.