De plus en plus dur d’être un élu. A l’aube du 105e congrès de l’Association des maires de France (AMF), qui doit se tenir la semaine prochaine à Paris sous l’intitulé éloquent «Communes attaquées, République menacée», le ministère de l’Intérieur dévoile ce dimanche 19 novembre des chiffres inquiétants. Les atteintes envers les élus, quels qu’ils soient, devraient connaître une hausse de 15 % en 2023 par rapport à l’année dernière. Dans le détail, les atteintes sont passées de 2 265 l’an dernier à 2 387 au 12 novembre, ce qui permet à la place Beauvau d’en projeter quelque 2 600 à la fin de l’année.
Dans 70 % des cas, il s’agit de menaces et outrages, tandis que les violences physiques restent «minoritaires» et «n’augmentent pas», d’après le ministère de l’Intérieur. En juillet, le gouvernement avait évoqué le chiffre de 7 % des agressions. Parmi les atteintes les plus médiatisées cette année : l’incendie criminel au domicile du maire de Saint-Brevin (Loire-Atlantique) ou l’attaque à la voiture-bélier de celui de son collègue de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) lors des émeutes de l’été. Selon France Info, le cyberharcèlement représente un quart de toutes les atteintes comptabilisées, un chiffre en augmentation.
La ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, explique cette hausse des atteintes «par la libération de la parole des maires, qui signalent bien plus aujourd’hui la moindre atteinte» et «le climat sociétal global, avec une année marquée par des moments de contestation, à l’image de la réforme des retraites ou des violences urbaines». «Nous sommes dans un contexte particulier, dans une forme de violence sociale que nous voyons monter depuis des années», estimait aussi, début novembre, David Lisnard, maire LR de Cannes et président de l’AMF.
Les démissions de maires augmentent de 30 %
Depuis la démission du maire de Saint-Brevin, qui avait souligné le manque de réponse de l’Etat, le gouvernement multiplie les annonces, sans toujours convaincre, pour mieux évaluer le phénomène et renforcer l’arsenal répressif. Une proposition de loi du Sénat adoptée début octobre aligne les sanctions pénales prévues en cas d’attaque contre un élu sur celles déjà prononcées lorsqu’elle vise une personne dépositaire de l’autorité publique. Un «guichet d’appui psychologique» pour les maires et leurs familles, ouvert 7 jours sur 7 et doté d’une ligne d’écoute, sera lancé lundi, a annoncé ce dimanche Dominique Faure au JDD.
Selon une enquête Cevipof publiée dimanche dans Le Monde, le rythme des démissions de maires a augmenté de 30 % par rapport au mandat précédent. Et les atteintes aux élus ne sont pas forcément la première des raisons évoquées. «Nous sommes sous l’effet d’un double étouffement : administratif et financier», analyse André Laignel (PS), numéro 2 de l’AMF, citant en exemple les annonces de nouveaux plans faites «tous les 15 jours» par le gouvernement. «Plan eau, plan vélo, plan chaleur, plan industrie verte, plan petite enfance», avec à chaque fois «des dépenses nouvelles pour les collectivités, sans que les moyens ne soient assortis», tonne le maire socialiste d’Issoudun (Indre), pour qui les maires sont réduits à de simples «sous-traitants» de l’Etat.
Malgré le signal envoyé par l’Etat en augmentant deux années de suite sa principale dotation aux collectivités, l’AMF évalue à 7 milliards d’euros leur perte «de pouvoir d’agir» dans le projet de budget 2024, en raison notamment de l’absence de compensation de l’inflation. Une situation qui ne menace toutefois «pas encore» l’engagement des maires, conclut le Cevipof, pour qui les édiles «résistent à l’accumulation de crises».