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Libération
Rétrospective (4/6)

Les enquêtes de «Frontal» qui ont marqué 2024 : en juillet, révélations sur les dîners de la macronie et du RN

Rétro 2024dossier
Pour la fin de l’année, «Libé» revient sur les enquêtes de «Frontal», la newsletter consacrée à l’extrême droite, qui ont eu un impact médiatique et politique.
Jordan Bardella, Sébastien Lecornu et Marine Le Pen. (Coco ./Libération)
publié le 29 décembre 2024 à 10h22

Chaque mardi, retrouvez la newsletter Frontal, qui passe au crible l’actualité de l’extrême droite.

La rue d’Aumale, à Paris, est le théâtre, ces derniers mois, d’un curieux va-et-vient de grosses berlines noires… Edouard Philippe, en décembre 2023, Sébastien Lecornu, en mars suivant, ont chacun rencontré Jordan Bardella et Marine Le Pen, dans le grand appartement de Thierry Solère, ancien député et très proche conseiller d’Emmanuel Macron. Dernière agape en date : le 12 juin, soit trois jours après la dissolution, avec l’aspirant Premier ministre d’extrême droite, donné gagnant après son excellent score aux européennes. Quand Libération dévoile ces mystérieux dîners, le 9 juillet, la menace frontiste a été endiguée par le front républicain, qui s’est formé entre la gauche et la majorité à la suite des innombrables propos racistes et antisémites de candidats RN exhumés par la presse. Mais nos révélations font grand bruit. «C’est un mauvais signal», critique François Bayrou. «Moi je n’aurais pas dîné avec Marine Le Pen», se démarque Gérald Darmanin. «On a constaté à l’occasion du dîner, qui était un dîner cordial, que nous avions des désaccords très profonds sur de très nombreux sujets», concède Edouard Philippe, interrogé à ce sujet au 20 heures de TF1, une de Libération à l’écran, et seul commensal à reconnaître l’existence de ces rencontres. Si cette proximité interroge, c’est qu’elle contribue largement à la dédiabolisation, voire la normalisation de l’extrême droite, à laquelle le camp présidentiel a largement versé son écot.

Quelques semaines avant son dîner avec Le Pen, le maire du Havre ne s’est-il pas réjoui de la présence de cadres RN à la marche contre l’antisémitisme ? Et la dissolution ne peut-elle s’interpréter comme l’offrande de Matignon sur un plateau à l’extrême droite ? Avant, certes, que la vraie nature de la formation frontiste ne fasse reculer certains ténors de la majorité… Mais le mouvement est enclenché. Dès septembre, Michel Barnier est nommé Premier ministre contre la promesse de non-censure du RN. Encore une fois, Solère est dans la boucle. Trois mois plus tard, un courrier à en-tête de Matignon annonce un recul sur une mesure du budget sous la dictée de Le Pen. Cette dernière engrange patiemment les victoires, crantées les unes après les autres. Jusqu’à empêcher l’entrée de Xavier Bertrand à la Justice dans le gouvernement de François Bayrou. Qui a dit qu’on ne dînait pas avec le diable, même avec une longue cuillère ?