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Libération
Rétrospective (6/6)

Les enquêtes de «Frontal» qui ont marqué 2024 : en septembre, «Libé» publie une partie des faux documents fabriqués par Jordan Bardella

Pour la fin de l’année, «Libé» revient sur les enquêtes de «Frontal», la newsletter consacrée à l’extrême droite, qui ont eu un impact médiatique et politique.
Jordan Bardella, à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), le 7 septembre 2024. (Denis Allard/Libération)
publié le 30 décembre 2024 à 16h23

Chaque mardi, retrouvez la newsletter Frontal, qui passe au crible l’actualité de l’extrême droite.

Les révélations de Libération sur les faux documents fabriqués par Jordan Bardella pour maquiller l’emploi fictif qu’il a occupé en 2015 ont visiblement traumatisé le jeune président du Rassemblement national (RN). Dans son premier (très mauvais) livre, sorti quelques semaines après, le député européen consacre pas moins de quatre pages à notre journal et à nos journalistes – dont l’auteur de ces lignes –, leur fantasmant des vies et des objectifs, les qualifiant de «brutaux», leur trouvant des « méthodes déloyales » et, évidemment, les imaginant d’«extrême gauche». Des mots qui transpiraient rancœur. Il y a de quoi. Les faits révélés alors en une de Libération sont d’une clarté non équivoque : entre février et juin 2015, Jordan Bardella a été l’assistant parlementaire fictif du député européen Jean-François Jalkh, pour un salaire de 1 200 euro net par mois d’argent public. En 2017, alors que l’enquête des assistants fictifs du RN bat son plein, les équipes de l’élu paniquent, et commandent à un stagiaire une revue de presse antidatée à la période du contrat de Bardella.

Le stagiaire va imprimer 1 500 pages d’articles, ensuite consciencieusement annotés à la main, commentés et signés par Bardella. Qui en fera autant sur un agenda 2015 acheté en 2018. Des faux grossiers et rangés au chaud, au cas où les choses tournaient mal un jour. Ils seront évoqués en 2021 comme des preuves de travail authentiques de Bardella par Jean-François Jalkh, quand il sera entendu par les juges. Cela a suffi, jusque-là, pour que Bardella échappe à la justice dans cette affaire. Il n’apparaît pas dans le dossier qui a été jugé à la rentrée et dans lequel le parquet a requis contre Marine Le Pen cinq ans de prison dont deux ferme, 300 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire.

En attendant le jugement scellant le sort de sa patronne (prévu pour le mois de mars), Bardella nie avoir été l’auteur des faux, et sous-entend que quelqu’un aurait imité à la perfection son écriture. Sur près de 1 500 pages, sans jamais aucune rature, un incroyable travail d’orfèvre, qu’on imagine donc réalisé par un faussaire professionnel… Quelqu’un de doué mais distrait : il a oublié d’enlever la date de sa revue de presse (2017) sur l’une des pages, et bêtement fait livrer son agenda… au siège du RN.