«Nous craignons le pire, car ceux qui ont procédé à cet arraisonnement sont capables du pire et l’ont montré en toutes circonstances» : après avoir passé son week-end de Pentecôte sur ses réseaux, tenant à intervalles réguliers ses abonnés au courant du moindre événement concernant le sort du bateau humanitaire Madleen – qui tentait de rallier Gaza avec, à son bord l’activiste Greta Thunberg et l’eurodéputée insoumise Rima Hassan –, Jean-Luc Mélenchon était ce lundi soir sur une place de la République noire de monde, à Paris. A Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nice ou dans la capitale, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à l’appel de la gauche pour manifester contre l’interception du navire par les autorités israéliennes.
«Les seuls qui ont fait le job depuis le début c’est la France Insoumise, note Elise, une enseignante de 43 ans venue manifester place de la République ce lundi soir. Maintenant, certains se rallient et commencent timidement à appeler les choses par leur nom, à parler de génocide. Mais c’est un peu triste que ce soit cantonné à la gauche, ça devrait être transpartisan.» Fadoua, 32 ans, venue pousser un «coup de gueule» quand les jours passent et que «Gaza est toujours affamée», regrette pour sa part : «Mélenchon, il est là pour se faire de la pub, mais dans les autres clans politiques, il n’y a personne.» Une impression confirmée par Alexis. Si le communiste de 66 ans apprécie la mobilisation «spectaculaire» de ce lundi, il déplore l’absence du PCF : «Avant, être pour la Palestine, c’était le minimum.»
Ces derniers jours, Mélenchon aura donné de sa personne : «Nétanyahou menace notre petit bateau avec Rima Hassan, Greta Thunberg et dix équipiers, avait-il écrit dans un premier post publié dimanche sur X et Telegram. La France doit prendre ses responsabilités. Notre marine nationale doit intervenir et faire respecter le droit international et nos ressortissants menacés.» S’en était suivie une bonne quinzaine de messages écrits ou relayés et destinés à soutenir les membres d’équipages ou dénoncer le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, ou «ceux qui regardent ailleurs».
Depuis le départ de cette «flottille» militante, les insoumis multiplient les opérations numériques pour médiatiser et diffuser le sujet. C’est même devenu leur principal sujet de lutte politique du moment, bien plus que le sommet de l’ONU sur la protection des océans, sujet sur lequel Jean-Luc Mélenchon avait pourtant attaqué sa campagne de 2022 lors d’un meeting «immersif» à Nantes il y a un peu plus de trois ans. Le triple candidat à la présidentielle s’est tout de même permis un petit rappel au chef de l’Etat en réponse à un message de ce dernier sur X arrivant à bord du Thalassa à Nice… mais pour qu’il regarde aussi du côté de l’est de la Méditerranée : «Président Macron vous arrivez quatre ans après les insoumis sur les problèmes de l’océan, a-t-il écrit dimanche soir. N’arrivez pas aussi tard pour faire respecter le droit international existant en mer. Nétanyahou et Israël Katz n’ont aucun droit de menacer ni d’arraisonner le petit bateau avec une parlementaire française, Rima Hassan. Le blocus est un moyen du génocide. Vous devez protéger le bateau anti blocus.»
«Ce que vient de faire le gouvernement israélien est illégal»
Pousser Macron à réagir : la consigne est passée au sein du mouvement. Invitée lundi matin de BFM TV et RMC, l’eurodéputée Manon Aubry a dénoncé le «silence complice» des dirigeants européens dont Emmanuel Macron après l’interception dans la nuit par les autorités israéliennes du Madleen. «Ce que vient de faire le gouvernement israélien est illégal au regard du droit international à plusieurs égards. D’abord parce qu’ils ont été arrêtés en eaux internationales. […] Ensuite, parce que ma collègue Rima Hassan bénéficie de l’immunité parlementaire», a développé la présidente du groupe La Gauche au Parlement européen.
«Toutes les communications ont été coupées», a fait savoir Manon Aubry, affirmant n’avoir eu aucun contact avec sa collègue parlementaire depuis le milieu de la nuit. Elle dit avoir appelé Emmanuel Macron, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, et celle de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à passer à «l’action» pour «demander la libération la plus rapide possible de l’équipage de la “Flottille de la liberté”, faute de quoi ils auront aussi à rendre des comptes de leur complicité».
Ecolos, PS et PCF également indignés
De son côté, la présidente du groupe insoumis à l’Assemblée, Mathilde Panot, a dénoncé sur X «ce que le suprémaciste Nétanyahou fait à l’équipage en toute illégalité» avant de critiquer la position française de demander à Israël un retour des ressortissants «dans les plus brefs délais» : «Donc la seule réponse de Macron à une armée qui arrête illégalement un bateau humanitaire avec la présence d’une élue française sur ordre d’un homme poursuivi par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, c’est ça et seulement ça ?»
S’ils sont plus vocaux et mieux organisés sur les réseaux, les insoumis ne sont pas les seuls à gauche à s’indigner de ces arrestations. La secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, a appelé à «une mobilisation populaire internationale» pour «amener les Etats à s’engager pour leur protection et leur libération». «L’équipage a atteint son but. Il doit maintenant faire l’objet d’un soutien des Etats européens. Le silence des gouvernements serait une faute», a réagi pour sa part le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, sur X. «Le gouvernement israélien ajoute l’indignité à l’inhumanité», a ajouté le chef du Parti communiste, Fabien Roussel.
Mise à jour à 20 h 43 ce lundi, avec la manifestation place de la République.