Suspendus mais pas exclus. Le parti Les Républicains (LR) a tranché mercredi 22 octobre au soir sur le sort réservé à six ministres frondeurs, qui ont décidé de participer au gouvernement de Sébastien Lecornu malgré l’interdit posé par leur formation. Annie Genevard (ministre de l’Agriculture), Rachida Dati (Culture), Philippe Tabarot (Transports), Vincent Jeanbrun (Logement), Sébastien Martin (Industrie) et Nicolas Forissier (Commerce extérieur) étaient passés outre la consigne de Bruno Retailleau. Les trois premiers, déjà ministres, avaient conservé leurs portefeuilles, les suivants les avaient rejoints. «Il doit y avoir, et il y aura, une sanction», avait promis le président de LR auprès du Figaro, mardi, considérant que les indociles «ne sont plus LR».
«Ça montre où en est le parti, grince-t-on dans l’entourage de l’un des suspendus. Un corps qui a du mal avec sa tête.» Chez LR, la décision du Vendéen, repeint en «Robespierre» de la droite par un conseiller, interroge. Si cette suspension a l’avantage de marquer le coup sans créer de fracture irréparable au sein d’un parti abonné aux batailles de factions depuis quelques années, elle devrait tout de même engendrer quelques remous.
Ces dernières semaines, un vif débat interne a opposé l’ex-ministre de l’Intérieur à une partie de ses troupes, notamment le groupe des députés. Le premier, depuis son départ de Beauvau, s’est fait le procureur du gouvernement et de son projet de budget, avertissant son camp, dans son interview au Figaro, qu’une «dilution dans le macronisme [...] serait un suicide collectif». La plupart des seconds, redoutant un retour aux urnes en cas de dissolution, favorisent des rapports constructifs avec les macronistes. «Il faut qu’on retrouve de l’apaisement», a enjoint leur chef à l’Assemblée, Laurent Wauquiez, en appelant mardi sur BFM TV à «tourner la page et se concentrer sur l’avenir ». Le cas des ministres LR réactive le rapport de force entre Retailleau et son adversaire malheureux pour la présidence du parti au printemps.
Récit
Prenant les devants mercredi en milieu de journée, les ministres LR avaient annoncé par communiqué se mettre «en retrait de toute fonction» au sein du parti, tout en déclarant leur «attachement» à celui-ci. L’effet est notamment sensible sur la stratégique commission d’investiture de LR, jusqu’ici présidée par Annie Genevard.
Chacun a également envoyé sa réponse écrite, dans le cadre du contradictoire accordé par le parti. Vincent Jeanbrun a évoqué le «sens du devoir» qui «devrait conduire notre famille politique, héritière du gaullisme, à s’élever au-dessus des postures, à conserver la tête froide, éviter les formules qui divisent et à rassembler plutôt qu’à exclure». Son collègue Sébastien Martin reste, lui, «persuadé que l’intérêt de la France prime sur les intérêts partisans».
L’épisode n’est pas sans évoquer celui qui avait suivi, à droite, la première élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. Plusieurs figures de LR l’ayant rallié avaient alors été exclues par le parti, comme le Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin ou… le jeune secrétaire d’Etat pour la Transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu.