Les campagnes internes laissent toujours des traces. Nouvelle preuve ce dimanche 5 octobre, à l’issue d’une visioconférence entre le patron du parti Les Républicains, Bruno Retailleau, et les parlementaires de son camp. Alors que Sébastien Lecornu peaufine toujours son gouvernement, sous pression d’un camp gouvernemental contrarié, une partie minime de la droite, emmenée par Laurent Wauquiez, refuse d’y participer. Ministre de l’Intérieur démissionnaire, Retailleau a plaidé de son côté pour que son camp (et lui-même) continue à occuper des postes. «C’est très majoritaire», rapporte un député LR. Face à ses troupes, le Vendéen a estimé que le poids de la droite à l’Assemblée et au Sénat allait «permettre de peser» sur les futures orientations de Lecornu : «C’est une garantie.»
La participation au gouvernement a été actée par un communiqué à l’issue du rendez-vous : «Sans cette décision en effet, la formation du gouvernement serait impossible, ce qui aggraverait la crise institutionnelle et financière qui menace notre pays, et ouvrirait la porte à une gauche au pouvoir.»
«Eviter tout blocage institutionnel»
Voilà pourtant plusieurs jours que Bruno Retailleau met la pression au Premier ministre, estimant notamment ne pas avoir été entendu sur les contours des baisses de la dépense publique et sur le terrain régalien. Aux parlementaires du «socle commun», Lecornu a promis, lui, «un effort [budgétaire] important de l’Etat, ainsi que de ses agences et opérateurs». Outre des mesures sécuritaires, le chef du gouvernement prévoit aussi d’agir «contre l’immigration irrégulière par la mise en œuvre de solutions techniques et efficaces». «Il manque beaucoup de choses mais ce n’est pas un projet LR», reconnaît un proche de Retailleau.
Face aux parlementaires ce dimanche, l’ex-chef des sénateurs LR a défendu une copie imparfaite mais avec une «orientation de droite». Tout en répétant que la participation de son camp devait éviter tout blocage institutionnel. «Si on ne participe pas, il n’y aura pas de gouvernement. Cette responsabilité, on doit la peser vis-à-vis de la France, a-t-il martelé. Si on ne participe pas, on donne la main à la gauche. Avec le risque d’être responsable du chaos.»
Trous dans la raquette
S’il se satisfait des premières annonces sur la fiscalité, la lutte contre la fraude ou la sécurité du quotidien, Retailleau bute sur une demande : la gestion par Beauvau de la politique des visas, partagée aujourd’hui avec les Affaires étrangères. «Totalement incohérent sur la forme comme sur le fond, estime une source au Quai d’Orsay, en rappelant que les ambassades et les consulats relèvent du ministère. L’approche sécuritaire conduirait à ne pas prendre en compte les équilibres diplomatiques. On en pâtirait via de nombreuses représailles diplomatiques.»
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Candidat malheureux à la présidence du parti, Wauquiez, lui, continue de jouer sa partition. Selon lui, la feuille de route de Lecornu n’est pas satisfaisante. Le député de Haute-Loire garde un souvenir amer de François Bayrou qui avait embarqué la droite sans programme de gouvernement. Face aux parlementaires, il a listé les trous dans la raquette : l’absence de plafonnement dans l’aide sociale unique, d’heures d’activité en contrepartie du RSA, des hausses d’impôts, l’absence de peines planchers ou d’une réforme de l’AME. «Il a fait la liste à la Prévert de ce qui manque, relève un député LR, mais par rapport à notre projet de 2027.» Isolé, Wauquiez a prêché pour une sortie du gouvernement. «Participer, c’est cautionner, a-t-il prévenu. Faire à nouveau un chèque a blanc ce serait une erreur, par rapport à nos convictions et ce qu’on veut pour le pays.»
«Faire entendre notre voix»
Chez LR, rares sont les voix à défendre la ligne de Wauquiez. Une poignée de députés, comme la porte-parole du groupe, Anne-Laure Blin, et quelques sénateurs, à l’image de Laurent Duplomb. L’écrasante majorité des troupes plaident pour rester au gouvernement, même s’ils savent le risque d’être amalgamés au macronisme, plus encore à cinq mois des municipales.
«A mes yeux, il vaut mieux continuer, quitte à sortir du gouvernement dans quelques semaines si le navire s’éloigne trop de nos convictions», a écrit dans une boucle interne Antoine Vermorel-Marques. «Si nous sommes spectateurs nous ne serons pas capables de faire entendre notre voix», a également défendu Justine Gruet, vice-présidente du groupe à l’Assemblée. Même position chez Gérard Larcher, le président du Sénat. «Soutenir sans participer, a également argumenté Michel Barnier, l’ex-Premier ministre élu député de Paris, c’est soutenir sans peser.»