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LGV Sud-Ouest : une nouvelle bataille du rail s’amorce entre élus socialistes et écologistes

Le maire écolo de Bordeaux, Pierre Hurmic, et la présidente PS de l’Occitanie, Carole Delga sont en désaccord sur la construction de lignes ferroviaires à grande vitesse pour relier Paris et Toulouse. Un conflit où chacun défend ses intérêts et son porte-monnaie.
Le maire écolo de Bordeaux, Pierre Hurmic, et la présidente de la région Occitanie, Carole Delga. (Joël Saget et Lionel Bonaventure /AFP)
par Stéphane Thépot, correspondant à Toulouse
publié le 2 novembre 2021 à 15h02

Un avant-goût de campagne nationale. Dans le Sud-Ouest, socialistes et écologistes se sont remis à ferrailler, ce week-end, cette fois-ci sur la question ferroviaire. Le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, a ainsi répété, jeudi, en une du quotidien régional Sud-Ouest, son refus de financer les nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) au sud de sa ville, pour relier Toulouse à trois heures et dix minutes de Paris contre au moins quatre heures et vingt minutes actuellement. L’écologiste estime qu’il serait plus rapide et moins cher d’améliorer les lignes SNCF existantes. «La LGV est un projet insensé, juge-t-il dans une interview. On en parle depuis 2005. En 2017, l’Etat l’a enterré. A quelques mois d’une échéance électorale on nous ressort ce vieux projet. Je pense qu’il faut donner la priorité aux trains du quotidien, 90% des usagers de la SNCF empruntent les trains du quotidien, la clientèle des LGV c’est une niche : sur dix passagers journaliers de la SNCF, un seul emprunte un TGV.» Hurmic se fait le relais d’un appel lancé jeudi, le même jour que son interview dans Sud-Ouest : «En se focalisant sur l’unique solution TGV, nous avons déjà perdu vingt ans au moment où nos voisins espagnols avancent et réclament, à juste titre, une connexion dans les meilleurs délais», peut-on y lire.

«C’est facile, quand on est maire de Bordeaux»

Originaire du Pays basque, où la forte opposition à la construction d’une ligne nouvelle a déjà conduit l’Etat et la SNCF à stopper la grande vitesse à Dax (Landes), le maire de Bordeaux endosse désormais la casquette de chef de file des opposants à l’autre branche, vers Toulouse, du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). «C’est facile, quand on est maire de Bordeaux, qu’on est à deux heures de Paris, d’expliquer aux autres qu’on n’a pas besoin d’être proches de la capitale», a rétorqué la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga, pointant «l’égoïsme» de Pierre Hurmic. Forte de sa réélection en juillet, l’ancienne secrétaire d’Etat de François Hollande a souligné que l’ex-région Midi-Pyrénées avait mis 300 millions sur la table pour financer la LGV entre Paris et Bordeaux, inaugurée en 2017. De son côté, le maire LR de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, se rassure en soulignant que son homologue écolo est «minoritaire» au sein même de la métropole bordelaise, présidée par le maire PS de Mérignac, Alain Anziani. Les élus de la métropole girondine doivent se prononcer le 26 novembre sur leur participation au financement de la future ligne : 300 millions, sur un coût total de près de 8 milliards d’euros.

Hurmic a déjà prévenu qu’il votera contre… sauf si la somme est consacrée à «la résorption du bouchon ferroviaire de Bordeaux». Le maire de Bordeaux entend ainsi donner la priorité aux «trains du quotidien» et estime préférable d’améliorer les lignes existantes à moindre coût (entre 4,6 et 7,3 milliards). Le président PS de la région Nouvelle Aquitaine, Alain Rousset, comme Carole Delga, répondent inlassablement que les lignes actuelles sont saturées et qu’il serait donc impératif de construire des lignes nouvelles permettant de dégager des «sillons» pour les trains régionaux comme pour le fret.

L’Etat met 4 milliards d’euros sur la table

Le maire écolo de Bordeaux n’est pas le seul à ruer dans les brancards au moment de régler la facture. L’argument du coût «pharaonique» de GPSO fait mouche auprès d’autres élus locaux de différents bords politiques. «Le président de la communauté du Pays basque et maire de Bayonne est contre, les départements de la Gironde et du Lot-et-Garonne ont dit qu’ils ne mettraient pas d’argent, le département des Pyrénées-Atlantiques dit que c’est trop cher», fait valoir Hurmic. A l’inverse, les collectivités de la région Occitanie font bloc. Pour alléger la facture, Delga et Moudenc misent sur une fiscalité additionnelle sur le modèle du financement des projets de métro du Grand Paris, dont les modalités restent à définir : taxe sur la construction de bureaux ou «écotaxe» poids lourds ?

En avril, quelques semaines avant les régionales, le Premier ministre, Jean Castex, – lui-même élu en Occitanie – avait relancé à la surprise générale la LGV Toulouse-Bordeaux, promettant une participation de l’Etat à plus de 4 milliards d’euros. Le plan de financement prévoit une contribution des collectivités locales à hauteur de 20%. Qui réglera la part de celles qui refuseraient d’apporter leur écot ? La question s’était déjà posée pour la ligne Tours-Bordeaux avec le refus de l’ex-région Poitou-Charentes. C’est désormais Pierre Hurmic qui reprend le flambeau d’une contestation brandi à l’époque par… Ségolène Royal.