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Interview

Loi immigration : «C’est incontestablement un tournant très important du quinquennat»

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Pour le politologue Bruno Cautrès, Emmanuel Macron pourrait se saisir de l’adoption du projet de loi immigration avec la droite pour démontrer que son «en même temps» reste d’actualité. Mais la gauche risque de ne plus faire confiance à Elisabeth Borne.
Lors de la manifestation contre le projet de loi immigration de ce mardi 19 décembre, à Paris. (Dimitar Dilkoff/AFP)
publié le 19 décembre 2023 à 21h37

La crise politique née de l’adoption de la loi immigration pourrait, selon Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof et enseignant à Sciences-Po, aider paradoxalement le chef de l’Etat à faire la démonstration qu’il est possible de construire des «majorités de projet», comme il l’avait annoncé après sa réélection.

Diriez-vous de l’accord entre la majorité et Les Républicains sur l’immigration qu’il marque un tournant dans le quinquennat ?

Sur une question régalienne, la majorité a dealé avec les LR. Avec, semble-t-il, l’accord d’une partie au mois de l’aile gauche de Renaissance. C’est incontestablement un tournant très important. Pour la première fois depuis la réélection de Macron, l’exécutif peut se prévaloir d’avoir stabilisé une majorité sur un texte de très grande importance. De manière un peu contre-intuitive, on peut dire qu’on a là la démonstration que les mécanismes parlementaires, même tronqués comme ils l’ont été ici, fonctionnent et que les partis, piliers de notre démocratie, jouent encore un rôle important. C’est par l’un d’entre eux (LR) que le projet de l’exécutif a été amendé. Si la Première ministre a mouillé la chemise, on ne peut pas dire, comme on l’entend souvent, que «tout se passe à Matignon».

Quelles conséquences, selon vous, Emmanuel Macron devrait tirer ?

Nous verrons quelles conclusions il en tire dans son allocution traditionnelle du 31 décembre. Je suppose qu’il sera tenté de prétendre avoir fait la démonstration qu’il est possible de construire des «majorités de projet», comme il l’avait annoncé après sa réélection. Il pourrait ajouter que ce qui a été possible sur l’immigration pourrait l’être sur d’autres textes, avec d’autres forces politiques. Par exemple sur la fin de vie. A ceux qui voient dans cette séquence la «fin du en même temps», il répliquera que c’est au contraire la preuve que cela fonctionne.

Voyez vous la nécessité d’un changement de Premier ministre ?

Je ne vois pas ce qui le rendrait absolument nécessaire. S’il n’y a pas trop de défections dans le groupe Renaissance lors du vote, on pourra même dire que la Première ministre est plutôt confortée. Elle aura montré qu’elle savait trouver des majorités de projet avec empirisme. Evidemment, tout cela serait remis en cause si on en revient dans les prochaines semaines à des situations de blocage. Avec, éventuellement, l’adoption d’une nouvelle motion de rejet. Il va être sans doute plus compliqué pour la Première ministre d’obtenir sur certains projets le soutien d’une partie de la gauche.