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Bon élève

Loi immigration : Clément Beaune se vend pour rester au gouvernement

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En décembre, le ministre des Transports avait menacé de démissionner au moment de l’adoption de la loi immigration, sans joindre le geste à la parole. De quoi donner lieu à une explication de texte mercredi 3 janvier, à l’heure où les rumeurs de remaniement s’intensifient.
Clément Beaune, alors ministre délégué chargé de l'Europe, en mai 2022 à l'Elysée. (Albert Facelly/Libération)
publié le 4 janvier 2024 à 12h42

Il aura pris son temps. Plus de deux semaines après l’adoption du projet de loi immigration au Parlement, le ministre des Transports Clément Beaune s’est expliqué, dans un entretien au Parisien mis en ligne mercredi 3 janvier, sur son choix de ne pas démissionner du gouvernement. «Est-ce que je pense qu’après avoir beaucoup échangé avec la Première ministre, on a fait évoluer le texte dans la bonne direction ? Oui, affirme-t-il. Est-ce que c’est terminé ? Non, il y a encore des combats à mener. Est-ce que je veux y participer ? Oui.»

En attendant la décision du Conseil constitutionnel qui pourrait retoquer plusieurs articles du texte, le ministre, un des représentants de «l’aile gauche» de la macronie, considère notamment qu’il «faudra revenir sur le principe de la caution étudiante», «revoir la mesure sur l’aide personnalisée au logement (APL)» et «éviter tout nouveau débat sur l’aide médicale d’Etat» (AME) pour les étrangers sans papiers.

Un sujet «trop grave pour rester en retrait»

Pour justifier ses «doutes», confiés à Libération au lendemain de l’adoption de la loi immigration, Clément Beaune répond au Parisien que le sujet «était trop grave pour rester en retrait». Pour rappel, il avait organisé, à quelques heures du vote, un dîner à son ministère, avec d’autres ministres remués par la séquence – dont Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur), Patrice Vergriete (Logement) et Roland Lescure (Industrie). Au final, seul le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, avait rendu son tablier après le vote du texte, Sylvie Retailleau ayant accepté le refus de sa démission par l’exécutif.

Clément Beaune explique aussi dans cette interview qu’il a dû batailler au sein de la majorité avec «des sensibilités, des histoires différentes et des débats compliqués». Mais, ajoute-t-il, «après un combat difficile, mon tempérament c’est de remonter sur le ring. Et j’ai envie de remonter sur le ring». L’ancien socialiste, qui a rejoint Emmanuel Macron dès 2017 dans sa conquête du pouvoir, se défend de toute lâcheté politique : «On pourra m’accuser de tout ce qu’on veut mais pas de dérobade.»

«Je serai heureux de servir»

Car à l’heure où les rumeurs de remaniement reviennent avec insistance, le ministre de 42 ans plaide pour «préserver l’héritage de 2017 : le dépassement, le combat européen et le combat contre l’extrême droite. Sans oublier les progrès de société, comme la fin de vie». Il affirme aussi que «le clivage entre nous, les pro-européens, et les nationalistes existe plus que jamais» – et cela malgré le fait que le texte sur l’immigration a été voté avec le soutien de la droite et de l’extrême droite. Sur un éventuel remaniement, Beaune rappelle que «pour être dans un gouvernement, il faut d’abord qu’on vous le propose. Et puis, il faut être utile». «Tant que ces conditions sont réunies, je serai heureux de servir», dit-il.

Et pour faire preuve de sa bonne composition, le ministre des Transports rendre dans le rang de son portefeuille. D’abord en ciblant les taxis qui refusent le paiement par carte bancaire : Beaune dénonce dans le Parisien une pratique «illégale et inacceptable», promettant contrôles et sanctions. Ensuite sur la question des infrastructures : il promet ainsi d’annoncer «la semaine prochaine» l’abandon de plusieurs projets autoroutiers. De quoi envoyer des messages à l’électorat écologiste et macroniste historique en vue des européennes du 9 juin et tenter de faire oublier la polémique née entre Noël et le jour de l’an après un voyage à Berlin deux semaines plus tôt. Pour inaugurer la nouvelle ligne de train de nuit entre la capitale allemande et Paris, le ministre avait pris… l’avion.

Ce jeudi 4 janvier, Clément Beaune n’est pas le seul membre du gouvernement en opération rachat dans les médias. Sur France Inter, le ministre de l’Industrie, Roland Lescure a expliqué que s’il avait «eu des questions sur le texte lui-même», la Première ministre avait «répondu à ces questions» et «le président de la République aussi». Juste avant, il avait vendu les «priorités stratégiques» en matière de réindustrialisation («sur les véhicules électriques, sur l’IA, sur le spatial, sur l’alimentation durable») ou encore le «volontarisme» et «l’action» à avoir pour «aller chercher des résultats» en matière de «plein-emploi». Plus que des bons élèves.