Menu
Libération
Au Comptoir de Chez Pol

Loi immigration : Elisabeth Borne veut plomber Gérald Darmanin (et inversement)

Indiscrétions piquantes, maladresses vaches ou douces confessions : chaque jour, retrouvez les brèves qui auscultent le monde politique.

Elisabeth Borne et Gérald Darmanin, à l'Assemblée nationale, le 5 décembre. (Xose Bouzas/Hans Lucas. AFP)
Publié le 20/12/2023 à 12h06

Extrait de Chez Pol, notre newsletter politique réservée à nos abonnés : découvrez-la gratuitement.

C’est reparti pour un tour

Elisabeth Borne et Gérald Darmanin sont dans le même bateau. Si l’un tombe à l’eau, qui est-ce qui reste ? A notre humble avis, personne. Mais la séquence incroyable à laquelle nous assistons et le naufrage en direct de la macronie sont l’occasion pour les deux rivaux de poursuivre leur guéguerre entamée depuis des mois. Mardi 19 décembre, le ministre de l’Intérieur qui se verrait bien à Matignon se plaisait à souligner dans les couloirs de l’Assemblée que le 49.3 n’avait pas été dégainé sur «son» texte, sous-entendu contrairement à la réforme des retraites portée par Borne. En effet : il est plus facile de faire voter un texte grâce aux voix de l’extrême droite que d’engager la responsabilité de son gouvernement. De son côté Borne n’épargne pas son subalterne quand elle est questionnée mercredi sur France Inter au sujet de l’efficacité de «la méthode Darmanin» dans les négociations avec LR. «La motion de rejet était une forme de détonation, il fallait sortir de cette impasse, j’ai mouillé la chemise, aujourd’hui nous avons un texte qui respecte nos valeurs», a assuré la cheffe du gouvernement, sans cligner des yeux. On ne sait pas qui va réussir le plus à plomber l’autre, mais notre diagnostic c’est que les deux ont du plomb dans l’aile.

Finito

Le projet de loi immigration aura au moins eu le mérite d’acter une bonne fois pour toutes la fin du «en même temps». Difficile, après l’adoption d’un texte qui reprend largement les obsessions de l’extrême droite de se prévaloir d’un «et de droite et de gauche». La nouveauté, c’est que des macronistes pur sucre le reconnaissent. «C’est clairement la fin du macronisme», ose ainsi la députée Renaissance Caroline Janvier dans le Parisien. Borne tente de garder la face, promet que sa majorité est «unie» et dit se battre «pour qu’on ne perde pas nos ancres». Mais le mal est fait. «Ce texte n’est plus l’axe d’équilibre de la majorité», est-elle contrainte de reconnaître en privé. Preuve en est : l’aile gauche s’est rebiffée comme jamais depuis 2017.

Du balai

François Bayrou a certes retourné sa veste plus vite qu’un transformiste mardi soir. Mais le Pyrénéen (oui c’est aussi le nom d’un chocolat) s’est dit favorable à un remaniement sur France 2 mercredi. «Il me semble que les décisions qui sont à prendre aujourd’hui par le président de la République à propos du gouvernement sont en effet une relance nécessaire», expose-t-il. Pourrait-il occuper le job de Premier ministre si les choses tournent mal pour Borne, comme il semble le souhaiter ? «Vous savez bien que je suis pour l’instant totalement en dehors de ce type de responsabilité, parce qu’il faut que s’achève la période judiciaire qui s’est ouverte», répond, toujours dans ce style lapidaire qui le caractérise (non), celui qui est dans l’attente de son jugement pour des soupçons de détournement de fonds publics.

Le mot : «Barrage»

Le barrage contre l’extrême droite est mort, vive le barrage ! En reprenant dans son texte immigration des propositions historiques du RN, la macronie a terminé un travail de sape entamé depuis des mois voire des années et consistant à ne plus s’embêter avec ce satané cordon sanitaire établi entre la droite dite républicaine et l’extrême droite. Le RN le sait bien et sa manœuvre mardi en témoigne. Cité par le Figaro mercredi, le député lepéniste Jean-Philippe Tanguy s’amuse : «Comment vont-ils nous diaboliser en 2027 à l’entre-deux tours, s’ils reprennent la priorité nationale ? Le barrage républicain a sauté deux fois : quand LR a repris la priorité nationale, et quand la macronie l’a aussi fait.» Un autre député RN, anonyme lui, va plus loin : «Qui pourra dire, parce que l’on défend la préférence nationale, que l’on est d’extrême droite ?» CQFD.