Extrait de Chez Pol, notre newsletter politique réservée à nos abonnés : découvrez-la gratuitement.

On l’a vu avec le dernier rapport Pisa : les petits Français sont des buses en maths. Leurs aînés ne sont guère meilleurs. Juste après le vote de la loi immigration, tout le monde y est allé de sa calculette pour savoir si le texte avait été adopté, ou non, avec les voix du RN. Et la réponse est aussi limpide que les convictions d’un macroniste : on y met ce qu’on veut. Reprenons calmement. Mardi soir, 349 députés ont voté pour le texte, 186 contre. Si l’on enlève les 88 voix du RN, on arrive donc à 261 voix pour, et toujours 186 voix contre. Cela permet à Elisabeth Borne et à Gérald Darmanin de dire que la loi immigration a été adoptée sans les voix du RN.

Tout le monde n’est évidemment pas d’accord avec cette analyse du scrutin. A commencer par le RN qui s’étonne de se voir ainsi rejeté du vote – alors que la macronie ne l’exclut pas de l’arc républicain™. S’adressant à Darmanin sur X, le porte-parole du RN Laurent Jacobelli s’est insurgé : «Allons, allons, la panique vous fait dérailler monsieur le futur ex-ministre. Les chiffres sont publics. Si le RN avait voté contre, la loi ne passait pas. Merci qui ?». «Nos voix compteraient moins que les autres députés ? Si nous avions voté contre ce texte, il ne passait pas», a renchéri sur BFMTV la députée mariniste Laure Lavalette.

A gauche aussi, on s’étrangle. Sur X, le patron du PS Olivier Faure calcule : «Si le RN n’avait pas considéré que ce texte consacrait sa victoire idéologique sur le macronisme, le résultat aurait été de 261 POUR (349-88) et 274 CONTRE (186 + 88). C’est bien le RN qui a voté pour son programme avec l’aval du gouvernement.» Même calcul et même constat chez Mélenchon, qui peut donc – miracle des mathématiques – être d’accord avec Faure. Au micro de TF1, le député PS Jérôme Guedj s’insurge, de son côté, contre le «récit» poussé par la macronie. «Il n’y a pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour savoir que, sans le vote du RN, le texte n’aurait pas été adopté.» Et le même d’expliquer qu’avec 535 suffrages exprimés, la majorité absolue était fixée à 268 voix et que, sans les voix du RN, le texte n’obtient que 261 voix. À ce concert s’ajoute la voix d’Eric Ciotti. «Vouloir exclure les députés RN du résultat du vote sur l’immigration constitue une profonde anomalie démocratique. En France, tous les députés sont égaux. Ils représentent tous le peuple français», a estimé le patron de LR.

En résumé, les calculs de la macronie ne marchent que si l’on fait des voix du RN des voix pour l’abstention. Les autres calculs ne fonctionnent que si l’on fait des voix du RN des voix contre le texte. Reste une réalité factuelle qui devrait, en théorie, mettre fin à toute envie de soustraction : les 88 députés RN ont voté pour ce texte et se sont réjouis d’une «victoire idéologique». Et ça, Darmanin et compagnie ne peuvent pas l’effacer.