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Réaction

Loi immigration : LFI appelle toute la gauche à «une réaction à la hauteur de l’importance du moment»

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Depuis lundi soir, socialistes, communistes, insoumis et écologistes se montrent unis pour dénoncer les «compromissions» des macronistes avec l’extrême droite. LFI tend la main à ses ex-alliés de la Nupes pour «faire avancer l’alternative à la coalition des droites».
Mathilde Panot dans la salle des Quatre-Colonnes de l'Assemblée, ce mardi 19 décembre. (Albert Facelly/Libération)
publié le 19 décembre 2023 à 18h56

Du Parti socialiste à La France insoumise, les mêmes mots, pour une fois. Qui renvoient tous au même champ sémantique. «L’histoire vous jugera sévèrement», prévient même le député Génération·s (apparenté écologiste) Benjamin Lucas. «Vous êtes sur le point de commettre l’irréparable […] N’ajoutez pas le déshonneur à la compromission», a lancé le communiste André Chassaigne à la Première ministre. L’accord conclu entre les macronistes et LR sur le projet de loi immigration, qui signe la «victoire idéologique» de l’extrême droite selon les mots mêmes du RN, a déclenché l’indignation des formations de gauche.

Très minoritaires en commission mixte paritaire, dont la composition reflète les équilibres du Parlement, les députés de gauche ont assisté impuissants à la constitution d’une «nouvelle majorité de fait sur la question migratoire, une majorité d’extrême droite», affirme le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. «L’accord négocié à huis clos dans le bureau d’Elisabeth Borne montre la capitulation de la majorité présidentielle au pire de la droite et à l’extrême droite», a écrit de son côté le patron des députés socialistes, Boris Vallaud. On débouche sur «un texte lepéniste», selon la cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot. Un texte que la gauche rebaptise désormais la loi «Darmanin, Le Pen, Ciotti».

«Dérive personnelle du chef de l’Etat»

Dans ce concert d’indignation politique, Emmanuel Macron n’est pas exonéré de toute responsabilité. A l’Assemblée mardi après-midi, la gauche a dénoncé la reprise de «mesures pensées par Jean-Marie Le Pen» et acté «la disparition du barrage républicain», suscitant les applaudissements des députés du Rassemblement national (RN). Un écho à la déclaration présidentielle au soir de sa réélection en 2022, partagée massivement sur les réseaux sociaux ces dernières heures : «Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Et je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir», déclarait sur le Champ-de-Mars le président nouvellement réélu, tout en appelant à ne pas huer Marine Le Pen.

Vingt mois plus tard, les socialistes dénoncent une «dérive personnelle du chef de l’Etat» et ont appelé en vain les députés de la majorité à «refuser de [le] suivre». Sans grand espoir, à en croire le député PS de l’Eure Philippe Brun : «Les députés n’ont pas d’autonomie. Ce sont les ambassadeurs de Macron. Ils n’ont rien à voir avec les frondeurs de Hollande.»

Dans la cacophonie de l’Assemblée, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a cherché à discréditer l’indignation des députés de gauche. «Où était votre bonne morale lorsque vous avez dragué les votes du Rassemblement national [en déposant et votant la semaine dernière la motion de rejet, ndlr] a-t-il feint de s’interroger. «La motion de rejet, c’est fait. De toute façon LR ne voulait pas de ce texte donc on serait arrivé au même résultat après des débats dans l’hémicycle», considère pour sa part Philippe Brun, qui esquisse une pointe de regret : «Est-ce que ces débats nous auraient permis de mener la bataille culturelle ? Peut-être… Car la majorité écrasante des Français est certes pour ce texte, mais de ce qu’ils en comprennent. J’ai fait une réunion publique chez moi, j’ai retourné la salle. Les gens en réalité sont sur la ligne : régulariser ceux qui travaillent, expulser ceux qui sont dangereux.»

«Faire avancer l’alternative à la coalition des droites»

Pour cela, il aurait fallu reconstituer la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) qui a implosé au début de la guerre entre Israël et le Hamas. En attendant une prise de parole de Jean-Luc Mélenchon annoncée pour 19 heures, le coordinateur national de LFI, Manuel Bompard, tentait mardi soir de ressusciter cette alliance constituée entre son mouvement, les socialistes, les communistes et les écologistes pour les législatives de 2022. Dans une lettre adressée à ses «camarade[s]» représentants «d’EE-LV, du PS, du PCF et de Génération·s», le bras droit de Jean-Luc Mélenchon leur propose une «réunion d’urgence» à tenir «dans les prochaines heures pour analyser la situation et discuter les moyens de faire avancer l’alternative à la coalition des droites sur les positions de l’extrême droite». «Cette situation ne peut rester sans une réaction à la hauteur de l’importance du moment», insiste Bompard. Manière pour les insoumis, isolés à gauche depuis le 7 octobre, de tenter de reprendre la main sur la question de l’union à gauche.

Chez eux, certains n’attendent pas pour redessiner le paysage politique : «Maintenant, la ligne est tracée entre eux et nous : LFI et quelques éléments de la Nupes contre tous les autres», analyse un collaborateur parlementaire. Selon lui, «il reste un recours, c’est Jean-Luc Mélenchon. Ce sera lui ou Marine Le Pen», et «au reste de la gauche de prendre ses responsabilités».