Il a lancé le mouvement. Malgré lui. Le président (divers gauche) du département du Lot, Serge Rigal, se défend, malgré les critiques venus du gouvernement ou de la droite, de ne pas respecter la future loi immigration. Il prévient dans Libération qu’il a «le droit» de créer une aide, «universelle», pour aider les personnes âgées dans le besoin et qui ne toucheraient plus l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Bruno Le Maire et Eric Ciotti vous accusent d’être un futur hors-la-loi si vous ne respectez pas les futures règles découlant de la loi immigration… Que leur répondez-vous ?
Que nous avons des valeurs républicaines ! Je n’ai jamais dit que je n’appliquerai pas cette loi. Je rassure tout le monde : nous ne sommes absolument pas dans la volonté de créer un département autonome ! (Rires) En revanche, nous avons bien l’intention d’utiliser le droit qui est le nôtre, celui d’une collectivité, de créer une allocation supplémentaire, de compensation.
Concrètement, à quoi cette nouvelle allocation pourrait ressembler ?
Nous allons faire voter, d’ici le mois de février, un nouveau fonds personnel et universel. Il permettra, si ces dispositions sont confirmées par le Conseil constitutionnel, d’aider les Lotois qui ne pourraient plus bénéficier de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), c’est-à-dire nos aînés, à cause de cette nouvelle loi. Nous continuerons d’être solidaires, pour tout le monde, sans distinction de nationalité. Les personnes qui touchent l’APA sont des gens dans la dépendance : qu’on aide à se lever le matin, à se soigner, à faire leur toilette… Prenons l’exemple d’une famille de nationalité anglaise, installée depuis plusieurs années dans le Lot. Elle y travaille, contribue à la richesse – y compris culturelle – de notre territoire. Il peut arriver qu’elle doive accueillir un parent en France sur la fin de sa vie. Si cette disposition de la loi immigration venait, demain, à être mise en œuvre, eh bien, au bout de trois ans et demi, si cette personne tombe dans la dépendance, elle n’aurait pas droit à l’APA. Je parle d’Anglais mais c’est la même chose pour n’importe quelle nationalité. Quel pays sommes-nous devenus pour accepter cela ?
Etes-vous sûr de rester dans la légalité avec la création d’un tel fonds ?
Jusqu’à preuve du contraire, nous sommes libres d’administrer nos collectivités ! Pourquoi l’Etat ou la justice nous empêcherait de créer un fonds ? La libre administration des collectivités est un principe constitutionnel. Je précise également : ce fonds ne sera pas réservé aux seuls étrangers. Destiné à toute personne dans le besoin et qui ne peut pas, pour diverses raisons, bénéficier de l’APA. Créer un tel fonds n’est d’ailleurs pas nouveau : on parle beaucoup de transition énergétique. Dans le Lot, nous avons créé un fonds d’aides aux ménages qui souhaitent s’équiper de panneaux photovoltaïques ou de chauffe-eau solaires. Nous avons aussi une aide à l’équipement de vélos électriques avec nos propres critères. Là, ce serait un fonds de solidarité envers nos aînés. Tout simplement.
Vous ne vous considérez donc pas comme un «désobéissant»…
Pas du tout ! J’insiste : je suis un républicain. Je respecte les lois de la République. Mais si l’Etat décide d’appliquer la «préférence nationale» à l’avenir sur les aides en direction de nos aînés, une collectivité comme la mienne peut tout à fait prendre ses responsabilités pour mener une politique sociale universelle.
Comment avez-vous eu cette idée ?
J’ai été informé mardi soir que l’APA serait concernée par cette nouvelle loi immigration. Cela m’a perturbé toute la nuit… Le lendemain, avec mes équipes j’ai demandé ce que nous pouvions faire, en tant que département. Elles m’ont répondu qu’il était tout à fait possible de créer ce fonds pour compenser ce qui pourrait disparaître pour les étrangers. Nous avons ensuite écrit ce communiqué sous l’effet de la colère. C’était un cri du cœur.
Donc pas du tout un mouvement coordonné avec les autres départements de gauche…
Pas du tout ! Je n’ai eu aucun de mes collègues présidents avant cela. Régulièrement, nous publions des communiqués de presse, par exemple sur le manque de train dans notre département. J’aimerais bien qu’ils aient le même impact que celui de mercredi ! Je n’avais aucune intention de lancer ni de mener une quelconque fronde.
Appelez-vous d’autres collectivités, de droite notamment, à vous rejoindre ?
Je n’appelle personne. Tout le monde est assez grand pour prendre ses responsabilités. Je suis un simple président de département. Je défends mes habitants et, dans ce cas précis, les personnes âgées. Quelles que soient leur nationalité, leurs origines. Chaque collectivité réagira comme elle l’entend. Ne comptez pas sur moi pour faire un tour de France (rires). Restons humbles.