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Loi «PLM» : à Marseille, un débat enflammé sur la réforme du mode de scrutin

Élections municipales 2026dossier
Entre un maire de gauche très favorable à l’alignement sur le droit commun, et un président de région macroniste radicalement hostile, la réforme des modes de scrutin à Paris, Lyon et Marseille (PLM) en cours d’examen clive les responsables locaux marseillais.
Benoît Payan à l'Elysée, le 31 mars 2025. (Ludovic Marin /AFP)
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille
publié le 8 avril 2025 à 23h35

C’est le seul des concernés qui applaudit. Le maire de Marseille Benoît Payan (divers gauche) suit avec attention les rebondissements de la proposition de loi dite PLM, visant à réformer les règles particulières du scrutin municipal en vigueur à Paris, Lyon et Marseille, pour les aligner sur le droit commun. Depuis des mois que le sujet traîne, suscitant des avis partagés au sein même des formations politiques, le Marseillais a déjà fait plusieurs fois le voyage à Paris pour plaider sa position, invariable : un homme, une voix, soit «un retour au droit commun» avec un scrutin direct et non par secteurs, comme dans les 36 000 autres communes de France.

Un avis à rebours de ses homologues parisien et lyonnais, qui eux fustigent une loi ficelée dans la précipitation et un calendrier inapproprié. L’usage voulant qu’une loi électorale ne change pas dans l’année précédant l’élection – prévue en mars 2026. «Qu’est-ce qu’il y a de compliqué à faire comme tout le monde ?», leur rétorque l’élu marseillais, qui rappelle que la loi de 1983 instaurant PLM avait, elle, été votée deux mois avant le scrutin. Et pas dans n’importe quelle circonstance, rappelle-t-il : le maire de Marseille d’alors, le socialiste Gaston Defferre, également ministre de l’Intérieur, s’était ainsi assuré un découpage de secteurs favorable lui permettant de rempiler pour un sixième mandat. «Cette loi a été faite pour permettre à quelqu’un de gagner en faisant moins de voix, tranche quarante ans plus tard Benoît Payan. Pour la démocratie française, ce n’est pas glorieux et on l’oublie…»

Le plaidoyer fait dégoupiller Renaud Muselier, président (Renaissance) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur : «Ce n’est plus arrivé depuis ! Et jamais on n’a contesté l’élection des maires dans les communes concernées», fustige le grand élu. C’est lui qui, depuis des semaines, mène la charge sudiste, jusque dans les rangs de son parti, pour dire tout le mal qu’il pense de ce «tripatouillage électoral». Une proposition de loi «mal née, mal embarquée» énumère-t-il ce mardi encore, reprenant les arguments développés dans une tribune publiée début février dans la Tribune Dimanche et cosignée par Martine Vassal, tête de liste marseillaise de la droite en 2020, aujourd’hui elle aussi ralliée au camp présidentiel.

Cette posture, il l’a aussi défendue auprès du bureau national de Renaissance, en vain. «Personne n’est d’accord dans les partis, ni dans les villes concernées, aucun conseil municipal n’a été concerté, s’énerve-t-il encore. Faire ça à la hussarde sans traiter le fond, à un an de l’échéance, si c’est pas du tripatouillage… Et voilà qu’il est question, maintenant, d’enlever Lyon de la réforme !» Le député Modem Jean-Paul Mattei entend en effet déposer un amendement en ce sens, pour cause de complexité organisationnelle. «S’ils sortent Lyon, qu’ils sortent Marseille !», renvoie Renaud Muselier, vent debout. Car selon lui, la manœuvre n’aurait été lancée qu’au profit exclusif des «Parisiens» du mouvement présidentiel, qui en attendraient une configuration plus favorable pour rafler la capitale à la gauche, quitte à «laisser crever Marseille».

88 % des Marseillais favorables à la réforme

De fait, la réforme n’arrange pas vraiment les affaires du centre droit marseillais, cantonné à l’opposition depuis la cuisante défaite de 2020. La fin du vote par secteurs priverait les troupes locales de «l’effet baronnies», qui avait permis aux troupes de Jean-Claude Gaudin de l’emporter durant vingt-cinq ans en ne misant que sur quelques arrondissements choyés. A l’inverse, un vote à l’échelle de la ville ferait les affaires du Printemps marseillais de Benoît Payan, noyant dans la masse les ambitions électorales de LFI, en force sur deux secteurs de la ville, et lui évitant ainsi d’âpres négociations lors de l’élection du maire par l’hémicycle, comme ce fut le cas en 2020 avec la liste autonome menée par l’ex-socialiste Samia Ghali. «Chaque fois qu’on touche au mode de scrutin, derrière on perd. Les gens ne comprennent pas et sanctionnent» plaide encore Renaud Muselier, qui se défend de toute ambition municipale tout en attisant la campagne localement depuis des mois. Un sondage Ifop réalisé mi-mars pour BFM et la Provence le contredit : 88 % des Marseillais interrogés se déclarent favorables à la réforme.

Il y a un point au moins qui met les Marseillais d’accord : la proposition de loi telle qu’elle est rédigée mérite d’être sérieusement amendée. Deux socialistes sudistes, le député marseillais Laurent Lhardit et l’Aixois Marc Pena, porteront notamment un amendement proposant un bulletin unique regroupant les noms des conseillers municipaux et ceux d’arrondissements, l’actuelle proposition de loi prévoyant elle un système à deux urnes. Benoît Payan, lui, prônant le «zéro exception», réclame que la prime accordée à la liste arrivée en tête, fixée à 25 % dans le texte soumis à l’Assemblée, monte à 50 % comme dans les autres communes françaises. De quoi animer encore le débat, qui devait débuter ce mardi 8 avril au soir à l’Assemblée.