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LR n’a pas le budget pour se faire entendre du gouvernement

La droite déplore le manque de considération de l’exécutif à l’égard de ses propositions budgétaires et fustige sa gestion des dépenses publiques. Mais Les Républicains se refusent toujours à censurer le gouvernement.
Eric Cioti, président de LR), Eric Ciotti, à Paris, ce 12 octobre. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 19 octobre 2023 à 13h13

Malheureuse qui comme la droite est dans l’opposition. Alors que s’est ouverte la saison budgétaire au Parlement, Les Républicains regardent déjà passer les balles, sans grand entrain. Faute de soutien dans l’opposition pour voter son projet de loi de finances (PLF) à l’Assemblée, la Première ministre a recouru mercredi à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, pour faire adopter sans vote la première partie du budget. Pour ce cru 2024 – le PLF prévoyant les recettes et dépenses de l’Etat pour l’année suivante – la droite s’estime, elle, peu entendue.

«On prône des réductions d’impôts et une baisse de la dépense publique et on n’a rien de tout ça, se lamente Véronique Louwagie, députée LR de l’Orne et spécialiste des questions budgétaires. Si c’est pour nous donner des miettes, ce n’est pas la peine.» Après une tentative de compromis avec la droite l’an passé, la majorité ne s’y est guère essayée cette année. «On ne nous a même pas consultés, peste Julien Dive, député LR de l’Aisne. Autant Gabriel Attal nous consultait l’an dernier, autant cette année Thomas Cazenave n’a rien fait. Peut-être qu’il ne sait pas faire…» Le ministre des Comptes publics a assuré, après l’utilisation du 49.3, qu’il y a eu «du dialogue et du temps parlementaire».

Les 25 milliards d’économies de Ciotti

Avant de dégainer l’outil constitutionnel, le gouvernement avait le choix de piocher dans les amendements des oppositions. Il en a retenu 41. Et 17 émanant du parti d’Eric Ciotti. Parmi eux, le renforcement de l’indemnité carburant pour les travailleurs, la prorogation du dispositif encourageant la rénovation de logements anciens ou encore la prolongation, pour trois ans, du dispositif «Coluche», un avantage fiscal concernant les dons aux associations d’aide aux personnes en difficulté. Un os à ronger pour la droite ? «Le gouvernement n’a repris aucun de nos amendements de groupe, aucun amendement majeur, maugrée Véronique Louwagie. Bercy nous répond à chaque fois que nos amendements sont trop chers.» Le camp macroniste ne manque pas, en effet, de tirer sur cette ficelle, accusant la droite de double discours : une rigueur budgétaire affichée mais contrebalancée par un paquet d’amendements jugés trop coûteux. «Ils sont les numéros 1 en termes d’amendements», grince Jean-René Cazeneuve, le rapporteur (Renaissance) de la commission des finances. L’argument est «fallacieux» pour Louwagie : «Nous sommes sur la partie recettes du PLF. Il y a aussi la partie dépenses.»

Surtout, LR s’applique à conserver son image – pourtant pâlie – de parti de gouvernement. Jouant le bon élève, Ciotti a présenté mardi 17 octobre un contre-budget d’une trentaine de pages. Celui-ci prévoit une baisse des prélèvements obligatoires de l’ordre de 11 milliards d’euros par an, via une baisse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), des droits de succession, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou des cotisations sociales patronales sur les salaires avoisinant le smic. Aux 16 milliards d’économies prévues dans le PLF, la droite réplique par une vingtaine de mesures censées dégager 25 milliards d’euros. Des coupes bien ciblées, dans le social en premier lieu, avec 6 milliards grattés sur l’indemnisation chômage. Ou en s’attaquant à la fraude au revenu de solidarité active (RSA) ou aux aides sociales. Sans oublier l’immigration, en ponctionnant dans les soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière ou dans l’hébergement d’urgence. «Nous n’avons pas la main qui tremble», plastronnait Ciotti mardi, au siège du parti.

«Proposotions orthogonales»

Frustrés de ne pas être entendus par l’exécutif, Les Républicains ne se privent pas de lui cogner dessus. Ses économies prévues dans son budget «sont en trompe-l’œil», dénonçait mardi Olivier Marleix, le patron des députés LR. «Nous restons le cancre de l’UE. Le dernier pays à rentrer sous la barre des 3 % de déficit.» Il fallait encore entendre l’élu d’Eure-et-Loir, mi-septembre à Saint-Malo, lors des journées parlementaires LR, égratigner le ministre de l’Economie, à l’époque soucieux de construire un compromis sur sa loi de programmation des finances publiques – finalement adoptée sans vote. «Que Bruno Le Maire, tonnait Marleix, ne vienne pas aujourd’hui compter sur nous pour lui donner un quitus de bonne gestion.» «Nos propositions sont orthogonales à celles du gouvernement», tranche aujourd’hui Annie Genevard, députée du Doubs et numéro 3 du parti.

Autant d’intransigeance devrait naturellement pousser la droite à censurer le gouvernement, en déposant une motion de censure au Palais-Bourbon. Mais les chefs LR estiment seulement que ne pas voter le budget suffit à afficher son opposition au macronisme. «Nous ne sommes pas favorables à une motion puisqu’il nous faut un budget à la fin de l’année», estime Véronique Louwagie. Interrogé mardi sur le sujet, Ciotti jouait l’évitement, déclarant : «Je me vois mal aller discuter de ce contre-budget avec Mélenchon.» Une autre façon de dire que les balles continuent de filer devant ses yeux.