Après les cartes postales, le devoir de vacances. Au lendemain de la clôture des Jeux olympiques et alors qu’Emmanuel Macron s’apprêtait à prendre la parole devant les «acteurs» de Paris 2024 pour les remercier et tenter de faire perdurer sa «trêve olympique», la gauche repasse à l’offensive. Dans un courrier de trois pages cosigné avec les quatre chefs de groupes de gauche à l’Assemblée nationale, Lucie Castets fait le choix ce lundi 12 août de s’adresser aux députés et sénateurs des «groupes républicains» – c’est-à-dire sans ceux du Rassemblement national – pour livrer à la fois les «leçons» que le Nouveau Front populaire tire des législatives mais surtout une «évolution [des] pratiques» parlementaires et les «cinq grandes priorités» sur lesquelles elle se propose de travailler si Emmanuel Macron la nomme à Matignon.
Et comme Lucie Castets avait commencé à l’esquisser dans ses précédentes interviews à la Tribune et à Sud Ouest, la formule défendue par La France insoumise – «le programme, tout le programme, rien que le programme» – est remisée au fond du placard. Dans cette missive, les cinq responsables de gauche – y compris donc la cheffe des députés insoumis, Mathilde Panot – insistent sur le fait que, «en premier lieu», ils tiennent «compte du fait que la majorité sur laquelle [le Nouveau Front populaire] s’appuie n’est que relative et qu’il lui sera dès lors nécessaire de convaincre au-delà [de ses] rangs».
«Evolution de nos pratiques parlementaires»
Comment, alors que le «bloc central» constitué de l’ancienne majorité macroniste et des Républicains de Laurent Wauquiez ne veulent pas des insoumis et, pour certains, des écolos ? En promettant une «évolution de nos pratiques parlementaires et des relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif», répondent les responsables du NFP, qui proposent d’offrir aux oppositions le poste de rapporteur «sur certains textes», de partager l’ordre du jour, d’élaborer des projets de loi très «en amont» de l’adoption en Conseil des ministres avec d’autres groupes que les leurs… «Nous nous portons garant de ce genre de pratique», soulignent-ils, promettant de «mener des discussions approfondies avec les groupes parlementaires républicains, avec les syndicats et la société civile organisée ainsi qu’avec les associations nationales d’élus, sur le budget 2025 d’une part, et sur un programme de travail gouvernemental pour les mois à venir d’autre part».
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La gauche unie met donc de l’ordre dans ses propositions et liste «cinq grandes priorités» : «le pouvoir d’achat et la justice sociale», avec notamment la hausse du smic et l’abrogation de la réforme des retraites ; «la bifurcation écologique» de l’économie ; l’éducation ; les services publics et le «rétablissement d’une fiscalité juste» avec une «hausse des ressources fiscales concentrée sur les foyers les plus aisés, les multinationales et la lutte renforcée contre la fraude et l’évasion fiscale».
Lucie Castets, le communiste André Chassaigne, l’écolo Cyrielle Chatelain, l’insoumise Mathilde Panot et le socialiste Boris Vallaud promettent aussi de «renouer avec les travaux parlementaires […] interrompus par la dissolution» comme le projet de loi sur la fin de vie, les commissions d’enquêtes parlementaires sur la protection de l’enfance ou les violences sexuelles dans le milieu culturel portées par l’actrice Judith Godrèche ou enfin les propositions de loi qui étaient en discussion comme celles sur les familles monoparentales ou le nombre de soignants dans les hôpitaux.
Virage stratégique
«C’est aussi la mise en œuvre de cette méthode et de ces priorités qui permettra de montrer à nos concitoyens que leur vote a été compris et de restaurer la confiance dans nos institutions démocratiques», concluent les auteurs de cette lettre après avoir rappelé, en début de missive que, selon eux, «les électeurs et les électrices» des législatives des 30 juin et 7 juillet «ont exprimé une très forte attente de changement sur le fond des politiques conduites depuis 2017» . Ils estiment qu’il existe aussi une «demande de changement des pratiques politiques et démocratiques» et qu’«à ce titre […] il est attendu du président de la République qu’il nomme un gouvernement de Front populaire». Leur souhait a pourtant peu de chances d’être exaucé…
Mais si Emmanuel Macron n’a aucunement l’intention de nommer Lucie Castets à Matignon, cette lettre de bonnes intentions permet aux responsables du Nouveau Front populaire, à dix jours de leurs rentrées politiques respectives, d’afficher leur union quand l’Elysée mise toujours sur un effritement du Parti socialiste. Avant de partir en congés, un certain nombre d’opposants au premier secrétaire Olivier Faure ont réclamé une «clarification» quant à l’alliance avec les insoumis et critiqué la ligne «tout le programme, rien que le programme» martelée jusqu’ici par Jean-Luc Mélenchon et les siens. L’inflexion stratégique visible dans cette lettre aux parlementaires devrait a priori permettre à toutes les familles du NFP d’avoir, au moins, une ligne de conduite commune sur laquelle s’appuyer avant les universités d’été. Et d’éviter de, trop vite, se (re)diviser.