«Depuis la fin des années 70, la méthode n’a pas changé : exercer la pression maximale sur les autorités de la République pour les amener à reculer.» Ainsi s’exprimait, il y a quatre ans, Jean-Pierre Chevènement, chez nos confrères du Monde, pour fustiger la stratégie des nationalistes corses. Le même Chevènement qui avait rompu avec Lionel Jospin précisément sur la question Corse. L’ancien ministre de l’Intérieur, qui a récemment apporté son «soutien républicain» à Emmanuel Macron, a donc dû avaler son café de travers en découvrant hier matin que son nouvel ami, via l’actuel locataire de la place Beauvau, Gérald Darmanin, se disait «prêt à aller jusqu’à l’autonomie de la Corse».
Une déclaration faite à quelques heures de son arrivée sur l’île sous la pression des violences et des manifestations qui ont suivi l’agression d’Yvan Colonna en prison par un détenu radicalisé. L’assassin du préfet Erignac en 1998 est, depuis, dans le coma dans un état critique. Il est difficile de reprocher au gouvernement de réagir aux conséquences d’un événement imprévu. Et, bien sûr, Gérald Darmanin assortit l’ouverture de discussions sur cette question de l’autonomie à un retour au calme sur l’île. Il n’empêche qu’à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, alors qu’un tribunal a été incendié et que de nombreux membres des forces de l’ordre ont été blessés, la proposition gouvernementale laisse perplexe.
Analyse
Sa précipitation à ouvrir ce chantier complexe contraste avec le désintérêt manifesté par le chef de l’Etat pour le dossier corse depuis cinq ans. Désintérêt ou absence de cap ? «Penser que le cœur de la bataille, la mère des batailles c’est d’aller négocier de nouvelles évolutions institutionnelles» est une erreur, avait déclaré Emmanuel Macron sur l’île en 2018. Il improvise aujourd’hui un revirement. Pas très sérieux. Est-ce une option de discussion sincère ? Les Corses sauront en tout cas s’en rappeler le moment venu.