C’était le 16 avril, dans l’entre-deux-tours de la présidentielle. A Marseille, devant des fans réunis dans les jardins du palais du Pharo, le candidat Macron annonce que son Premier ministre «sera directement chargé de la planification écologique […] pour démontrer l’importance que nous accordons au combat du siècle». Face à l’urgence du dérèglement climatique, il faut, dit-il, aller «deux fois plus vite que ce que nous venons de faire durant ces cinq années». Effet «wahou» garanti : la mue verte du chef de l’Etat est largement commentée. Réélu une semaine plus tard, le Président tient sa promesse en nommant à Matignon Elisabeth Borne, effectivement «chargée de la Planification écologique et énergétique». A ses côtés, un tandem de deux ministres : Amélie de Montchalin (Transition écologique) et Agnès Pannier-Runacher (Transition énergétique).
Reste qu’à l’approche des législatives, dans une campagne plutôt morne pour la majorité présidentielle, le grand soir écolo se fait – déjà – attendre. Pire, les électeurs doutent fortement des intentions présidentielles de s’atteler à ladite «planification écologique». Près de deux Français sur trois estiment ainsi que l’engagement d’Emmanuel Macron pour l’environnement n’est pas «sincère», selon un sondage Elabe pour les Echos, l’Institut Montaigne et Radio Classique, publié jeudi 2 juin.
Doutes sur le gouvernement
Les sondés sont également critiques à l’égard du nouveau gouvernement, chargé de mettre en œuvre les ambitions d’Emmanuel Macron. Ils sont ainsi 66 % à estimer que l’équipe pilotée par Elisabeth Borne ne permettra pas «d’accélérer le rythme de la transition écologique». Un tiers pense que le nouveau gouvernement permettra, au contraire, de «favoriser» la transition. Plus que sur l’exécutif, les Français interrogés comptent davantage sur les citoyens (63 %), les collectivités locales (56 %) et les entreprises (46 %) pour accélérer la transition.
Le message a déjà été reçu cinq sur cinq par la majorité. Dans un entretien au Point publié jeudi, Elisabeth Borne a assuré que la transition ne pourrait se faire qu’avec «beaucoup de rigueur, de concertation, de contractualisation avec l’ensemble des partenaires, en particulier les élus locaux, les associations et les entreprises». Et la Première ministre d’assurer : «L’écologie n’est plus la politique de quelques lanceurs d’alerte, elle est au cœur de nos politiques publiques.» Un discours un poil «techno» qui dit pourtant ô combien le gouvernement «Macron II» espère éviter les pièges du précédent quinquennat. «L’écologie doit se faire sans diviser les Français», a assuré de son côté Amélie de Montchalin ce vendredi sur France 2. Façon de dire que les 80 km/h sur les routes départementales ou l’augmentation de la taxe carbone à l’origine des gilets jaunes ont laissé des traces dans la macronie…
«Pas l’écologie contre l’économie»
A une semaine du premier tour des législatives, ce souci de crédibilité risque de pénaliser la majorité présidentielle, qui enchaîne déjà les polémiques, entre les accusations de viols visant Damien Abad, le fiasco de la finale de la Ligue des champions au Stade de France et la communication critiquée de Gérald Darmanin à ce sujet. Et ce alors que candidats de la Nupes, eux, nourrissent l’espoir de rafler la mise les 12 et 19 juin. La campagne des législatives a d’ailleurs pris des airs de match de ping-pong entre le camp présidentiel – dont quinze ministres sont candidats – et les leaders insoumis, écologistes et socialistes, sur les thèmes de l’écologie et du pouvoir d’achat. Lesquels, estime au passage plus d’un sondé sur deux, sont «conciliables».
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Sur la défensive, Elisabeth Borne s’en est prise à la «radicalité des slogans» de ses opposants. «Les polémiques alimentées par ceux qui brandissent un étendard politique sont stériles», a-t-elle affirmé jeudi, répétant également que le gouvernement ne «fer[a] pas l’écologie contre l’économie», une formule reprise par ses deux ministres, Amélie de Montchalin et Agnès Pannier Runacher. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a qualifié Jean-Luc Mélenchon de «Chavez gaulois» et rappelé, dans le Figaro, que son gouvernement veut «enfin donner une impulsion majeure au grand chantier climatique».
De son côté, le leader insoumis joue la carte de l’unité de ses troupes en concentrant ses attaques sur le chef de l’Etat et en raillant le côté vaporeux des propositions macronistes. Sur France Info ce vendredi, l’ex-candidat à la présidentielle qui se voit Premier ministre a raillé le «clafoutis de phrases creuses» que serait, selon lui, le programme de la majorité présidentielle. Ambiance…