«Qu’on le veuille ou non, la télévision est considérée comme la voix de la France, et par les Français, et par l’étranger.» Ainsi philosophait Georges Pompidou sur les «responsabilités supplémentaires» des journalistes de télévision au cours d’une conférence de presse dans la salle des fêtes de l’Elysée. C’était en 1972, cinq ans avant la naissance d’Emmanuel Macron. Le plus jeune président de la Ve République renoue ce mardi soir avec un rituel qu’il apprécie peu, laissé en jachère depuis le 25 avril 2019. Il s’agissait il y a presque cinq ans de tirer les leçons du «grand débat national» après la crise des gilets jaunes. Cette fois-ci, le chef de l’Etat veut donner corps à son «rendez-vous avec la nation», évoqué au mois de décembre dans une confidence au journal le Monde et jamais vraiment détaillé depuis. «Quand il l’a lancé, il n’avait pas arbitré ce qu’il y avait derrière la marque», se marre un ex-ministre, pas dupe des bidules que le Président sort de son chapeau pour s’offrir du temps. Et maintenant ?
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«Le rendez-vous avec la nation est davantage un processus qu’un événement donné. Il a commencé avec les vœux du 31 décembre. Il s’est poursuivi avec la nomination de Gabriel Attal, et maintenant avec cette conférence de presse», détaille-t-on à l’Elysée, où l’on présente comme une innovation l’heure de diffusion, à 20h15, sur TF1, France 2 et les chaînes d’information : «Il n’y a jamais eu une telle audience pour une conférence de presse.» Jusque-là, le jeu de questions-réponses entre les présidents et la presse était plutôt organisé dans l’après-midi, à une heure de faible audience. Le choix du prime-time expose au risque du crash d’audimat. Pas sûr que cet épisode de la septième année d’Emmanuel Macron à l’Elysée rivalise avec les scores de la sixième saison de la série policière américaine S.W.A.T., déprogrammée in extremis par TF1. Cette grand-messe d’au moins deux heures, ponctuée de questions plus ou moins laborieuses de journalistes (pas plus de deux par média), peut aussi faire fuir le public.
Un «point-virgule» avant «une nouvelle phase de conquête»
La conférence de presse, «dans l’épure gaullo-mitterrandienne» et «avec une forme de contradictoire», selon le récit distillé par l’Elysée, a été préférée au format de l’allocution, dont Emmanuel Macron a beaucoup usé pendant la pandémie de Covid ou pour répondre aux grands soubresauts internationaux (prise de Kaboul par les talibans en août 2021, invasion de l’Ukraine en février 2022). «Les allocutions sont pour les moments de crise», juge l’un de ses plus proches conseillers. Au contraire, la séquence du «rendez-vous avec la Nation» est décrite par l’Elysée comme un «point-virgule» dans les dix ans de mandat d’Emmanuel Macron : «On clôt une séquence de six ans et demi où on a engagé le redressement économique et des services publics. C’est un long boulot. Aujourd’hui, on est dans une nouvelle phase de conquête pour avoir dix ans d’avance, comme l’a dit le président de la République lors de ses vœux.» Le chef de l’Etat devrait donc une nouvelle fois claironner les vertus de la «régénération» et du «réarmement», qu’il soit «civique» ou «industriel». Une poignée d’annonces «claires et impactantes» autour de l’éducation, de l’économie et de l’industrie sont promises par le Château. «Il ne s’agit pas du tout de griller la politesse au gouvernement, assure un conseiller du Président. Il laissera le gouvernement et Gabriel Attal détailler le calendrier.» Après cette semaine où le Président occupe le devant de la scène – il rencontrait les parlementaires de la majorité lundi soir et sera au forum économique de Davos (Suisse) ce mercredi – ce sera au tour du Premier ministre de reprendre la main avec son discours de politique générale.
Tour de chauffe
Ce mardi soir, Attal et ses quatorze ministres seront au garde-à-vous dans la salle des fêtes de l’Elysée. Les «soldats de l’an II du quinquennat», comme les a surnommés le Président, sans craindre d’en faire trop, lors du premier Conseil des ministres vendredi, devraient encore composer, pour quelques jours, le gouvernement le plus resserré de la Ve République. Emmanuel Macron fait mariner son monde avant de nommer une poignée de ministres délégués et de secrétaires d’Etat. L’occasion de rééquilibrer le casting après le grand coup de barre à droite donné avec la nomination de Catherine Vautrin et Rachida Dati, espère l’aile gauche de la majorité. «Il a deux cartes, les investitures aux européennes et le reste de la composition du gouvernement. On va voir ce qu’il fait», lâche un membre du gouvernement Borne, toujours pas fixé sur son sort.