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Bilan

Manuel Valls quitte la Nouvelle-Calédonie avec un accord «consolidé», mais sans le FLNKS

Le ministre des Outre-mer a démarré la mise en application juridique de l’accord de Bougival signé le 2 juillet. Deux rencontres avec le FLNKS, opposé au compromis, n’auront pas suffi à convaincre ses responsables de revenir à la table des négociations.
Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, en réunion à Nouméa, le 20 août. (Delphine Mayeur/AFP)
par Baptiste Gouret, Correspondant à Nouméa
publié aujourd'hui à 17h04

Pas de changement de cap. Au terme d’un déplacement de sept jours en Nouvelle-Calédonie, Manuel Valls a quitté l’archipel, ce mardi 28 août, avec la même «détermination» à mettre en œuvre l’accord sur l’avenir institutionnel du territoire, signé le 2 juillet à Bougival. L’opposition du Front de libération nationale, kanak et socialiste (FLNKS), qui a annoncé le 3 août son rejet catégorique du texte, n’a rien enlevé à la volonté du ministre des Outre-mer d’aller au bout de ce compromis trouvé entre l’Etat, les non-indépendantistes et les indépendantistes.

C’est dans cet état d’esprit qu’il a, dès le lendemain de son arrivée, installé le «comité de rédaction» censé traduire juridiquement l’accord. Après trois séances de travail et «onze heures de débats» avec les délégations politiques signataires – en dehors du FLNKS –, des représentants du Sénat coutumier et du Conseil économique, social et environnemental, «j’ai le sentiment que l’accord est conforté et que nous avons considérablement avancé», a affirmé Manuel Valls, lors d’un point presse organisé quelques heures avant son départ de l’archipel.

Valls promet de «ne rien faire sans le FLNKS»

Les partenaires politiques ont notamment planché sur la rédaction du projet de loi constitutionnelle qui doit permettre la création d’un «Etat de la Nouvelle-Calédonie» prévu par l’accord, et inscrire son statut dans la Constitution française. De ce texte découle également la future «loi fondamentale», qui consacre la capacité d’auto-organisation de l’archipel. Surtout, le projet de réforme constitutionnelle fixe à février 2026 la consultation de la population calédonienne, appelée à se prononcer sur l’accord de Bougival. Seule son approbation permettra la promulgation des textes de loi rédigés cette semaine.

L’accord a donc «franchi une étape décisive», s’est félicité Manuel Valls. Les prochaines échéances arriveront rapidement. Le ministre d’Etat a en effet dévoilé un calendrier particulièrement contraint : avis du Conseil d’Etat à la fin du mois, présentation en Conseil des ministres le 7 septembre, vote à l’Assemblée nationale, au Sénat puis en Congrès à Versailles avant la fin de l’année. «Il faut qu’on avance», a-t-il justifié. Mais l’absence de la principale force indépendantiste dans le processus continue d’inquiéter une partie des signataires. «Un accord sans le FLNKS, c’est un peu risqué», a indiqué Vaimu’a Muliava, de l’Eveil océanien, à la sortie de la troisième séance de travail du comité de rédaction. Manuel Valls en est conscient. «Je ne veux rien faire sans le FLNKS», a-t-il martelé cette semaine.

Deux rencontres ont été organisées avec ce front qui regroupe les principaux partis indépendantistes pour tenter de renouer le dialogue. Après un premier entretien dès son premier jour de déplacement avec les membres du bureau politique, le ministre a reçu ce mardi la nouvelle délégation, désignée la veille en remplacement des cinq signataires de l’accord de Bougival, déchus de leurs mandats. Après plus de trois heures d’échanges, les positons n’ont pas évolué. «Le FLNKS a réaffirmé avec clarté et détermination son rejet catégorique du projet d’accord de Bougival», a indiqué Dominique Fochi, un des neuf membres de la délégation et secrétaire général de l’Union calédonienne (UC), principale composante du Front.

«Des lignes peuvent bouger»

«Ma porte reste ouverte, a réagi Manuel Valls. Je continuerai à travailler avec eux, en invitant le FLNKS à discuter également avec les autres partenaires.» Le ministre d’Etat refuse en effet de négocier uniquement avec le Front, comme l’exigent ses responsables. Après des années de froid entre indépendantistes et non-indépendantistes, Manuel Valls veut conserver le cadre de négociations, composé de l’ensemble des forces politiques calédoniennes, qu’il est parvenu à instaurer depuis sa reprise en mains du dossier, en février. Il rejette également l’idée d’un «accord de Kanaky» défendu par le mouvement indépendantiste, basée sur une accession à la pleine souveraineté n 202.

Malgré des positions a priori irréconciliables, Manuel Valls ne désespère pas de convaincre les indépendantistes du FLNKS de revenir dans le processus entamé à Bougival, et validé par leur ancienne équipe de négociations. Pour y parvenir, le ministre continue de vanter un accord ouvert «aux ajustements». «Des lignes peuvent bouger», affirme-t-il. Il a présenté aux membres de la nouvelle délégation une liste de sujets «sur lesquels on peut discuter», sans remettre en cause le calendrier ni les grands principes de Bougival. «Le processus de décolonisation», ainsi que la «procédure de transfert des compétences régaliennes» ou encore les signes identitaires pourraient faire l’objet de nouvelles négociations, si le FLNKS se montrait prêt à en discuter. Manuel Valls a également exprimé sa volonté de rencontrer Christian Téin, président du FLNKS et placé sous contrôle judiciaire pour son rôle présumé dans les émeutes de mai 2024, lors de son retour à Paris.

Mais une nouvelle difficulté vient de s’ajouter à l’épineux dossier calédonien : le risque d’une chute du gouvernement Bayrou. Déjà fragilisé par l’instabilité politique locale, l’accord de Bougival est donc désormais menacé par les incertitudes sur le plan national. Une démission du gouvernement mettrait alors un coup d’arrêt au calendrier fixé. Car rien ne garantit que l’éventuel successeur de Manuel Valls se montre aussi disposé à avancer sur un compromis déjà contesté. Le ministre se veut rassurant : «L’Etat devra, quoi qu’il arrive, assurer la continuité des échanges et du cap tracé.»