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Pacte

«Médias antisémites», «islam radical»… Avec Bardella, les extrêmes droites célèbrent en Israël leurs obsessions communes

Conflit israélo-palestiniendossier
Une conférence rassemblait plusieurs penseurs d’ultradroite ce jeudi 27 mars à Jérusalem. Une occasion pour le président du Rassemblement national de se positionner en tant que futur leader allié de l’Etat hébreu.
Jordan Bardella à Jérusalem, le 27 mars 2025. (Menahem Kahana/AFP)
par Fanny Léonor Crouzet, Correspondante à Jérusalem
publié le 27 mars 2025 à 20h17

Sur les coups de 13 heures, plusieurs alarmes retentissent dans les rues de Jérusalem. Devant le Centre de conventions internationales Bunyaney Ha’uma, les visiteurs se collent au mur le plus proche, cherchant des yeux, dans le ciel, la trace d’un des deux missiles lancés par le Yémen ce jeudi 27 mars. La rumeur inquiétante des projectiles tombe à point nommé pour nourrir l’obsession sécuritaire face à un «islam radical» distillé tout au long de l’après-midi par les intervenants d’une conférence sur l’antisémitisme organisée par le très droitier ministre de la Diaspora Amichai Chikli.

Objectif affiché de l’évènement : placer l’extrême droite internationale comme principal défenseur politique du peuple juif. Arno Klarsfeld, juriste franco-israélien et allié de Marine Le Pen, le répètera à l’envi sur scène : «L’extrême droite est devenue un parti qui favorise les Juifs.» D’ailleurs, elle n’est plus si «extrême», ose encore l’avocat, contrairement à son ennemi, La France insoumise, qui serait, selon lui, le nouveau visage de l’antisémitisme français. Une stratégie discursive dont les rouages, bien connus en France, semblent fonctionner auprès des quelques centaines d’Israéliens inscrits à la conférence.

Mélange des genres

Au fil des tables rondes se dessinent des passions communes : «Comment le progressisme est devenu captif de l’antisémitisme», «Comment l’islam radical alimente-t-il l’antisémitisme en Occident ?» Pour le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, de visite en Israël depuis mardi, l’évènement est surtout une opportunité d’abandonner en grande pompe et en terre sainte le fantôme encombrant du Front national, créé en partie par d’anciens collaborateurs de l’Allemagne nazie, et de son fondateur, Jean-Marie Le Pen, condamné pour antisémitisme et négationnisme.

Présenté comme un leader européen en devenir, Bardella monte sur scène à 16h30, précédant un discours du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. De retour de deux jours de visite autour des lieux de commémoration du 7 octobre, il a dressé un parallèle entre l’assaut sanglant du Hamas en 2023, revendiqué comme un acte de résistance à l’occupation israélienne, et des attaques menées par des organisations terroristes à l’international : «En l’espace de quelques heures, Israël a vécu son 11 septembre 2001 et son Bataclan, en référence à ce soir de novembre 2015 où des Français furent décimés par dizaines», affirme le président du RN. Hamas, Etat islamique et Al-Qaeda, mis, donc, sur un pied d’égalité. Tous rangés ce jour par l’extrême droite sous la bannière d’un «islamisme radical». Mais le mélange des genres ne s’arrête pas là : l’idéologie de l’organisation au pouvoir à Gaza, avance Bardella, serait présente sur le sol français. «Vous combattez ici, entre autres, le Hamas. Nous combattons, nous, la présence de ses idées et de ses soutiens sur le sol de France», lance-t-il.

«Lune de miel entre l’islamisme et la gauche extrême»

Dans son discours, nulle mention du peuple palestinien où des plus de 50 000 personnes tuées selon le ministère de la Santé à Gaza. La veille, le député européen avait pourtant pu entendre et voir les frappes de l’armée israélienne dans l’enclave lors de sa visite des lieux de la rave-party du festival Tribe of Nova. Comme Arno Klarsfeld, le leader l’extrême droite n’a, en revanche, pas manqué une occasion de fustiger les insoumis, dénonçant en France et ailleurs une «lune de miel mortelle entre l’islamisme et la gauche extrême».

Dernière bête noire des intervenants : les médias, «plein d’activistes de gauche qui détestent l’excellence et le travail acharné», lâche avec verve Stefan Tompson, fondateur de Visegrad24, média d’extrême droite basé à Varsovie. De part et d’autre de la table ronde, on hoche la tête en signe d’approbation. Gadi Taub, historien et écrivain israélien assis à la même table, en profite pour s’attaquer au journal Haaretz, pour lequel il a écrit quelques éditoriaux par le passé avant d’être licencié. Plus grand quotidien du pays politiquement ancré à gauche, il n’en est pas moins «antisémite», aux yeux de l’ex-éditorialiste, en écho au discours introductif du ministre Amichai Chiklin, qui accusait un peu plus tôt les journalistes d’Haaretz d’écrire des «mensonges» au service d’une «propagande antisioniste».

Car ici, aucun doute n’est permis : antisionisme et antisémitisme ne font qu’un. «L’antisionisme, le rejet du droit à l’existence d’Israël, est le nouvel antisémitisme. Son objectif est le même : la destruction du peuple juif», abondait Jordan Bardella, dans son discours, incluant à l’occasion la Cour pénale internationale, la Cour internationale de justice et le Conseil des droits de l’homme des Nations unies dans une galaxie antisémite fantasmée et vouée, «à priver Israël de sa capacité à se défendre», conclut-il. De quoi charmer, sans doute, Benyamin Nétanyahou, toujours visé par un mandat d’arrêt de la CPI pour des crimes de guerre présumés à Gaza.