Il aura donc fallu attendre qu’il soit au milieu de la forêt amazonienne pour l’entendre sur l’«énorme crise de croissance» que traverse son mouvement. Attendre que Jean-Luc Mélenchon soit en Guyane, pour une émission politique (l’Événement, France 2) bien plus intéressante que celles avec Emmanuel Macron. On l’a entendu être clair sur la réforme des retraites, clair (aussi) sur l’Ukraine et la Russie et très clair (encore) sur la lutte contre le réchauffement climatique et la nécessité pour la France et l’Europe de rester unis dans la conquête spatiale face aux autres superpuissances et aux multimilliardaires. On a surtout enfin entendu le chef de file de La France insoumise (LFI) répondre aux critiques d’une partie des principaux responsables de sa famille politique – parfois des très proches – sur la démocratie interne dans sa formation.
«J’ai entendu parler de purge. Mais qui a été purgé ?» a-t-il faussement interrogé, quelques jours après avoir écarté – sans les prévenir – des figures de son mouvement de la direction du parti comme François Ruffin, Clémentine Autain, Raquel Garrido ou Alexis Corbière. Jean-Luc Mélenchon leur a conseillé de «rester unis» avec l’ensemble du mouvement et de «partager» la «lumière». Venant de lui, ils apprécieront… «Pourquoi est-il besoin pour se démarquer de dire du mal de ce qu’ils ont construit ?» a-t-il poursuivi, faisant, par deux fois, la comparaison avec le Parti socialiste dont il a été membre jusqu’en 2008. «J’ai vu François Mitterrand se choisir un successeur. Derrière, il y a eu dix ans de guerre», a lancé le triple candidat à la présidentielle, jurant qu’il n’est «pas candidat à [sa] succession».
Quatennens «a été longuement et beaucoup puni»
Mais lorsque la journaliste Caroline Roux lui a demandé s’il pouvait déclarer, ce jeudi soir, qu’il ne sera pas candidat à la présidentielle en 2027, là c’était tout de suite moins clair… «Ce sont les circonstances qui font les candidatures […] les circonstances vont désigner quelqu’un», a-t-il répété, expliquant que ces mêmes «circonstances» avaient fait de lui un candidat à la présidentielle en 2012, 2017 et 2022. Et l’insoumis d’ajouter : «Quel besoin d’aller encombrer la discussion avec ma personne.» Justement : en écartant de l’organe décisionnaire de son mouvement ceux qui auraient pu lui succéder d’ici 2027 et en gardant dans cette direction ses plus proches, jusqu’à ses intimes, il empêche la nouvelle herbe de pousser dans son propre jardin.
Avait-il envisagé Adrien Quatennens comme héritier ? «Non», jure-t-il. «C’est un ami très cher» qui «a été longuement et beaucoup puni» et qui doit pouvoir être «réhabilité» lorsqu’il aura purgé sa peine. Mélenchon ne veut pas, non plus, que «les décisions […] prises» par le groupe parlementaire – exclusion de Quatennens durant quatre mois – soient rediscutées comme le réclament plusieurs figures de La France insoumise ainsi que de nombreux militants.
Tel Cincinnatus
Jean-Luc Mélenchon jure vouloir «passer à autre chose», boucler un nouvel opus programmatique pour l’été (a priori intitulé la Révolution citoyenne) et prendre ensuite le recul nécessaire à condition d’avoir stabilisé la stratégie d’union de la gauche «sur une ligne de rupture», le programme et son mouvement. On attend de voir… Il pourrait aussi, tel Cincinnatus dans la Rome antique, retourner à ses propres champs et attendre que la plèbe insoumise ne revienne le rechercher pour mater les rébellions et livrer - comme Lula à 77 ans – une nouvelle bataille présidentielle. Les conditions auront été, entre-temps, bien préparées pour qu’aucun successeur(e) (non désigné.e) ne puisse s’imposer.