Menu
Libération
Stigmatisation

Meurtre de Hichem Miraoui dans le Var : le «racisme d’atmosphère» pointé du doigt

L’avocat de la famille de la victime, l’association SOS Racisme et plusieurs représentants politiques de gauche dénoncent ce mardi 3 juin un «climat politique» propice aux crimes racistes.
A Puget-sur-Argens, dans le Var, lieu du meurtre de Hichem M., le 3 juin 2025. (laurent carre/Libération)
publié le 3 juin 2025 à 11h52
(mis à jour le 3 juin 2025 à 16h16)

Après la mort de Hichem Miraoui, un quadragénaire de nationalité tunisienne visé par des tirs dans la nuit de samedi à dimanche à Puget-sur-Argens (Var) et pour laquelle le Parquet national antiterroriste (Pnat) s’est saisi de l’enquête, de nombreuses voix s’élèvent, dénonçant un «racisme d’atmosphère».

Ce mardi 3 juin, l’avocat de la famille de Hichem Miraoui, a dénoncé «le climat politique qui règne aujourd’hui en France», entretenu par «des pompiers pyromanes qui viennent éteindre le feu qu’ils ont eux-mêmes allumé». Invité de la matinale de France Info, Me Mourad Battikh a estimé au micro de nos confrères que ce meurtre est «tout sauf un fait divers» : «Il faut prendre le temps de la réflexion et se demander comment est-ce que des individus arrivent à l’acte irréparable, au crime le plus odieux qui est de retirer la vie, au nom du drapeau français. Aujourd’hui, on fait du drapeau français l’étendard d’une idéologie haineuse. C’est absolument triste et scandaleux.»

Si l’avocat indique ne pas faire de «fixation sur Bruno Retailleau en personne», plusieurs représentants politiques de premier plan n’ont pas manqué de tacler le ministre de l’Intérieur. Sur TF1, le Premier secrétaire du PS Olivier Faure a estimé que Bruno Retailleau entretenait «un climat de suspicion vis-à-vis des étrangers ou des Français vécus comme étrangers». Le ministre avait la veille fermement dénoncé comme un «crime raciste» le meurtre de Hichem Miraoui, mais le patron des socialises juge qu’il «participe dans le débat public avec ceux qui, à l’extrême droite, cherchent à banaliser le racisme, à expliquer qu’il y a une forme de menace qui serait créée par nos concitoyens d’origine étrangère».

Bruno Retailleau «cherche a minima à créer une forme de racisme d’atmosphère, en tout cas à le laisser perdurer, à laisser penser que ce n’est pas une pensée absurde», a encore estimé Olivier Faure. «Il y a une banalisation ou une fascination pour certains d’un discours qui va mettre en cause les Français d’origine étrangère, les musulmans dans l’exercice de leur culte, l’islam comme religion qui ne serait pas, pour certains, compatible avec la République», a renchéri ce mardi le député socialiste Jérôme Guedj sur Sud Radio. «Il y a des mots qui, par leur répétition, forgent dans des esprits disponibles à ça, parfois, des passages à l’acte», a-t-il regretté, jugeant que «le racisme se combat d’abord et avant tout par une forme non pas de retenue mais d’exigence morale dans les mots qu’on utilise dans le débat politique».

Le «retard à l’allumage» des responsables politiques

Jérôme Guedj a en outre reproché à celui qui est également président de LR de se rendre ce mardi à l’ambassade de Tunisie à Paris et non dans le Var, où vivait la victime. «Avant d’être un Tunisien vivant en France, c’était une personne dans son lieu de vie, là où elle habitait, là où elle travaillait, avait des amis», a-t-il argumenté, regrettant un «deux poids deux mesures» comme lors de l’assassinat fin avril d’Aboubakar Cissé dans une mosquée du Gard.

Plus tard ce mardi, le ministre de l’Intérieur a souligné depuis l’Assemblée nationale que le meurtre de Hichem Miraoui était «sans doute aussi antimusulman» et «peut-être aussi un crime terroriste», dans la mesure où il «a été prémédité et il est signé». «Le racisme, ce n’est pas la France», a ajouté Bruno Retailleau, assurant que «la République ne fait aucune différence entre la couleur de la peau, les origines ou bien les croyances». Le ministre a par ailleurs exprimé «une pensée émue» pour les victimes, «celui qui est mort, celui qui est blessé», ainsi que leurs familles, mais aussi pour «la communauté tunisienne». «J’espère que la justice sera intraitable et implacable pour ce qui constitue un crime antifrançais», a-t-il déclaré.

Au micro de nos confrères d’Ici Provence (ex-France Bleu) ce mardi, le président de l’association SOS Racisme Dominique Sopo a de son côté souligné que «ce crime arrive dans un contexte de dégradation spectaculaire du débat public, marqué par une stigmatisation continue des immigrés, de leurs enfants, des musulmans.» Il s’alarme du «retour des crimes racistes» et note à cet égard la mollesse de la réponse politique : «Quand il s’agit d’autres faits divers, les responsables politiques réagissent immédiatement. Pour les violences racistes, on constate toujours un retard à l’allumage.»

Dans un communiqué, son association avait alerté : «Le double crime qui a frappé deux hommes à Puget-sur-Argens n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Il est le résultat d’un travail minutieux mené par le camp du racisme et visant à rendre à nouveau légitime l’expression du racisme en mots et en actes. Face à cette sinistre évolution, il est urgent que les responsables politiques et les médias cessent d’ignorer la parole antiraciste, quand ils ne travaillent pas à la marginaliser».

Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait été critiqué dès dimanche par le leader de La France insoumise. «Infâme meurtre raciste dans le Var. Ne laissons pas l’officialité attiser la haine raciste en la légitimant», avait écrit Jean-Luc Mélenchon sur son compte X (ex-Twitter). Le locataire de Beauvau est régulièrement accusé par la gauche de racisme en ciblant, notamment par son vocabulaire, les immigrés, les musulmans, les jeunes de banlieue, Français ou pas. Il a ainsi qualifié de «barbares» les auteurs de violences ce week-end en marge des célébrations de la victoire du PSG en Ligue des champions, une expression dénoncée à gauche comme visant les étrangers.

Mise à jour à 16 h 15 avec les déclarations de Bruno Retailleau à l’Assemblée nationale.