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Normalisation

Michel Barnier recadre déjà son nouveau ministre de l’Economie qui avait jugé le RN «pas dans l’arc républicain»

Le nouveau ministre Antoine Armand avait d’abord exclu ce mardi matin le parti d’extrême droite d’une réunion sur les finances publiques. Puis, sous la pression de Marine Le Pen, le Premier ministre a capitulé et Bercy convie finalement le RN.
Le nouveau ministre de l'Economie, Antoine Armand, à Paris le 22 septembre 2024. (Denis Allard/Libération)
publié le 24 septembre 2024 à 16h06
(mis à jour le 24 septembre 2024 à 16h54)

Premier jour, et déjà première capitulation. Installé à Bercy depuis lundi, le nouveau ministre de l’Economie Antoine Armand a déjà opéré ce mardi 24 septembre un virage à 180 degrés à propos de son rapport au Rassemblement national. Dans la matinale de France Inter, le benjamin du gouvernement – 33 ans – a assumé de ne pas recevoir le parti d’extrême droite à Bercy pour discuter des finances publiques, estimant que le RN ne fait pas partie de «l’arc républicain». En début d’après-midi, l’entourage de l’ancien député de Haute-Savoie a finalement fait savoir que «toutes les forces politiques représentées au Parlement» seront reçues au ministère dans les prochains jours. Ce qui comprend donc la formation de Marine Le Pen.

Ce rapide changement de pied est survenu après un coup de pression de Marine Le Pen et de ses troupes. Dans le courant de la matinée, plusieurs élus du RN ont allumé des mèches contre Antoine Armand. «Une insulte pour nos 11 millions d’électeurs ! Ça commence mal…» a notamment pesté la députée du Lot-et-Garonne Hélène Laporte sur X.

C’est surtout la patronne du groupe et future candidate à la présidentielle qui a adressé des menaces à peine voilées à Michel Barnier. «Quand j’entends M. Armand ce matin qui explique que sa porte sera toujours fermée aux députés du RN alors que nous avons juste le budget qui arrive, je pense que le Premier ministre doit aller expliquer à l’ensemble de ses ministres quelle est la philosophie de son gouvernement, car il semblerait que certains n’aient pas encore totalement compris», a-t-elle lancé devant des caméras à l’Assemblée nationale.

Recadrage de Matignon

De quoi déclencher un recadrage en règle de Matignon à l’endroit d’Antoine Armand. Dans un communiqué envoyé aux rédactions quelques heures plus tard, le ministère de l’Economie a finalement pris soin de préciser que «dans la ligne politique fixée par le Premier ministre, […] Antoine Armand conviera prochainement chaque président de groupe […] pour évoquer les enjeux économiques et financiers du pays». Michel Barnier a alors pris son téléphone pour «un rappel clair et ferme des règles et engagements du Premier ministre à savoir le respect des électeurs et le respect des présidents de groupes représentés au Parlement que le Premier ministre recevra dans les prochains jours ou semaines».

Michel Barnier, fait aussi savoir Matignon, «a appelé Marine Le Pen à midi. C’était un appel tout à fait factuel où il a rappelé les règles explicitées publiquement lors de sa nomination et encore répétées ce matin au bureau de l’Assemblée nationale [...] Il a rappelé l’engagement de tout son gouvernement de dialoguer avec toutes les forces politiques représentées au Parlement. Toutes, de LFI au RN».

Pour tenter de minimiser le couac, l’entourage du jeune locataire de Bercy affirme que celui-ci et le Premier ministre «sont exactement sur la même ligne». «Lors de la passation, le ministre de l’Economie a rappelé que sa porte était ouverte à tous ceux qui veulent contribuer à l’équilibre économique», insiste-t-on à Bercy. Reste que selon le Figaro, le locataire de Matignon a été contraint de décrocher son téléphone pour assurer à la présidente du groupe RN à l’Assemblée qu’il s’agissait d’une erreur. Car Michel Barnier a tout intérêt à choyer la triple candidate à la présidentielle. Le Savoyard sait que sa longévité à la tête du gouvernement dépend uniquement du Rassemblement national qui peut décider à tout moment de voter une motion de censure qui le ferait tomber. C’est même grâce au refus du RN de le censurer a priori que l’ancien négociateur du Brexit pour l’Union européenne a été désigné à Matignon.

Priée de dire, mardi soir sur BFMTV, si «la vraie patronne c’est Marine Le Pen», la députée RN Alexandra Masson a commenté : «On a le pouvoir de faire recadrer un ministre qui dit n’importe quoi.» Côté macroniste, le député (Ensemble pour la République) Denis Masséglia a déploré sur X «un très mauvais signal envoyé par le Premier ministre», ajoutant : «Un gouvernement soucieux d’appeler d’emblée Marine Le Pen pour la rassurer à la moindre contrariété ne représente pas mes valeurs. Faire barrage au RN pour au final lui être soumis ?»