Ça passe – en force – ou ça casse. Face à cette Assemblée nationale sans majorité qui lui mène la vie dure depuis septembre, le Premier ministre Michel Barnier est venu ce lundi 2 décembre après-midi actionner à 15h40 l’arme de l’article 49.3 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). «A vous, députés, parlementaires de la nation, de décider si notre pays se dote de textes financiers responsables [...] ou si nous entrons en territoire inconnu», a-t-il déclaré. En silence, les députés LFI on quitté l’hémicycle avant la fin de son discours. «Les Français ne nous pardonneraient pas de préférer les intérêts particuliers à l‘avenir de la nation», a ajouté Barnier, qui avait informé en tout début d’après-midi les présidents de groupes du «socle commun» (macronistes, Modem, Horizons et LR) de sa décision.
Selon la Constitution, le PLFSS est réputé adopté, à moins que l’Assemblée n’adopte une motion de censure. Les députés du Nouveau Front populaire ont annoncé de longue date leur intention d’en déposer une, la seule inconnue restant l’attitude du Rassemblement national (RN). Après un entretien avec Marine Le Pen ce matin, Barnier lui a fait une ultime concession en forme de capitulation. «Le gouvernement s’engage à ce qu’il n’y ait pas de déremboursement des médicaments en 2025», a-t-il écrit dans un communiqué à la mi-journée. C’était l’une des «lignes rouges» du RN. Pire, le Premier ministre se couche un peu plus devant la dirigeante d’extrême droite en lui donnant le point publiquement, comme elle l’exigeait. «De nombreuses demandes ont été exprimées sur ce sujet. Mme Marine Le Pen, au nom du Rassemblement national, l’a rappelé au Premier ministre ce matin encore lors d’un échange téléphonique», précise le communiqué de Matignon.
Live
«On s’est battus pour le front républicain et depuis ils capitulent. Pas en leur simple nom mais en utilisant le papier à en-tête de nos institutions. La Honte», s’indigne la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier sur X. En plus de s’aliéner définitivement la gauche, ce bougé suffira-t-il à éviter la censure ? «C’est l’énergie du désespoir. Il aurait dû recevoir Le Pen et lui lâcher quelque chose plus tôt, estime une députée Ensemble pour la République (ex-Renaissance). Je pense que la décision du RN est déjà prise.» Reste à déterminer si l’extrême droite apportera ses voix à la motion déposée par la gauche, si elle se contentera de déposer la sienne ou si elle s’abstiendra. Si la motion de censure de la gauche est adoptée, le gouvernement Barnier chutera, faisant du Savoyard le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République.
Analyse
Ce dernier a mis en garde contre une «tempête» et «des turbulences graves sur les marchés financiers». Un refrain repris ce lundi matin par le patron des députés macronistes, Gabriel Attal, malgré ses «nuances» et ses «désaccords» avec le gouvernement : «L’instabilité est un poison lent, qui s’attaquera progressivement à notre attractivité économique, à notre crédibilité financière, à la confiance, déjà entamée, que les Français ont dans leurs institutions.»
Des alertes - plutôt excessives - auxquelles la présidente des députés La France insoumise, Mathilde Panot, a déjà répondu par avance. «Barnier menace du déluge après lui. Shutdown imaginaire, dette qu’ils ont eux-mêmes creusée et crise des marchés financiers gavés d’argent public», avait-elle tweeté mardi. Après un délai incompressible de quarante-huit heures, le débat et le vote sur la censure du gouvernement Barnier pourraient intervenir dès mercredi en fin de journée.
Mise à jour à 15h48 avec le 49.3