Ils sont rares ces moments politiques où, en direct à la télévision, un homme fait le choix d’un chemin plutôt qu’un autre. Le dimanche 11 décembre 1994, à l’heure du souper, Jacques Delors est l’invité sur TF1 de l’émission politique phare d’Anne Sinclair, 7 sur 7. François Mitterrand, âgé et malade, va quitter l’Elysée en mai. Il n’a pas de successeur désigné au PS : Michel Rocard a dilapidé ce qu’il lui restait de crédit aux dernières européennes. A droite, Jacques Chirac est déjà lancé. Edouard Balladur le fera en janvier depuis son bureau de Matignon. Une partie de la gauche rêve de Delors. Après dix ans de mandat, l’ancien ministre des Finances de Mitterrand entre 1981 et 1984 doit quitter la présidence de la Commission européenne en janvier. Auréolé de son bilan à Bruxelles – la transformation de la Communauté économique européenne (CEE) en future Union européenne (UE) –, il est vu comme le seul, à gauche, à avoir une stature d’homme d’Etat.
Face à Anne Sinclair, Delors disserte pendant toute l’émission avec le ton posé et empathique qui le caractérise. Sur l’Europe, la Russie, la France, la