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Mort de Jean-Marie Le Pen : pourquoi tant de moules ?

Les photos du mollusque qui pullulent ce mardi 7 janvier sur les réseaux sociaux n’ont rien à voir avec l’état physique du fondateur du Front national à la fin de sa vie, mais sont une référence à un sketch de Pierre Desproges.
Des publications de moules sur les réseaux sociaux le jour du décès de Jean-Marie Le Pen, mardi 7 janvier. (David Silverman/Getty Images)
publié le 7 janvier 2025 à 16h57

«Ok, Jean-Marie Le Pen est mort, mais… pourquoi tous ces gens publient des photos de moules ou parlent de ce délicieux aliment sur mon fil Bluesky ou X ?» Question que vous vous êtes peut-être posée après l’annonce du décès du fondateur du Front national ce mardi 7 janvier, à l’âge de 96 ans, en voyant passer des montagnes de mollusques.

L’explication se trouve dans un sketch que Pierre Desproges jouait sur scène en 1984. L’humoriste y évoquait la mort de Georges Brassens en ces termes : «Le jour de la mort de Brassens, j’ai pleuré comme un môme. Alors que, je sais pas pourquoi mais, le jour de la mort de Tino Rossi, j’ai repris deux fois des moules. Fou !»

Ces photos de moules sont donc devenues, pour certains, une manière subtilement irrévérencieuse de saluer le décès de personnalités suscitant au mieux une indifférence polie, au pire une franche hostilité. Et de là, on pourrait tisser tout un fil expliquant qu’à travers cet hommage à Desproges, aujourd’hui précisément, il y a quelque chose de l’ordre d’une revanche qui se joue entre l’humoriste et le fasciste.

C’est en effet à l’occasion d’un Tribunal des flagrants délires sur France Inter dont l’invité était Jean-Marie Le Pen, le 29 septembre 1982, que le procureur Pierre Desproges théorisa publiquement, dans son réquisitoire, son désormais fameux – et tristement détourné«on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde».

Cela fut l’occasion pour lui d’exprimer son malaise quant à la présence en plateau, à une heure de grande écoute dédiée à la gaudriole, d’«un militant d’extrême droite» dont personne ne mesurait encore vraiment le pouvoir de nuisance. Hélas, les événements se déroulèrent ensuite comme si cet avertissement n’avait jamais été lancé.

«Plus d’humanité dans l’œil d’un chien»

Signe de ce début de normalisation, le fondateur du FN serait notamment invité deux ans plus tard sur le plateau de L’Heure de vérité, émission politique la plus importante de l’époque. Durant l’entretien, Le Pen se ferait remarquer en se lançant dans une minute de silence en hommage aux victimes du communisme.

Desproges étant mort en 1988, Le Pen aura survécu trente-six ans à celui qui constatait qu’«il y a plus d’humanité dans l’œil d’un chien quand il remue la queue, que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil». Alors, si ce soir vous reprenez deux fois des moules au dîner, ce sera aussi pour Desproges, et peut-être un peu pour Charlie Hebdo, où il publia un recueil de textes ironiquement titré Les étrangers sont nuls dont Le Pen aurait peut-être approuvé le titre, mais sûrement pas le contenu.