«Ce qui est droit, c’est emmerdant», chantonnait Roland Dumas à la fin de sa vie. Une vie comme on en lit dans la Comédie humaine, remplie de gloire et d’opprobre, d’argent et de pouvoir, de femmes et d’intrigues. A voir l’œil qui frisait de ce centenaire, dernier prince mitterrandien cloué sur son fauteuil, l’aventure avait été sûrement palpitante. Dans son rez-de-chaussée sombre de l’île Saint-Louis, entouré de ses chers tableaux signés Chagall, Picasso ou Giacometti, il recevait ses visiteurs comme un noble florentin, tendant une main blanche que les hommes redoutaient de briser. «Embrassez-moi», lançait-il aux femmes, toujours charmeur avec son col roulé de cachemire noir et sa chevelure argentée. Puis Roland Dumas remontait le cours de son existence plus sinueuse que la Vienne, rivière de son enfance où il pêchait la truite. Sa mémoire était restée puissante, il en connaissait chaque méandre, pilotait entre les succès et les scandales, la lumière et la pénombre. Pour le situer au temps de sa splendeur, sachons que son ami Picasso le surnommait Alexandre en hommage aux autres Dumas. Qu’il portait des bottines Berluti à 11 000 francs payées par Elf-Aquitaine. Et que François Mitterrand sonnait «l’ami Roland» à toute heure, même quand il était son ministre des Affaires étrangères. «J’ai un petit service à vous demander.» C’était leur code pour les missions secrètes, raisons d’Etat ou combines déraisonnables.
Lire son portrait (2015)
Très longtemps avant, le 23 aoû