Soir de match au Groupama Stadium. Ce jeudi 2 octobre, l’Olympique lyonnais reçoit le RB Salzbourg pour la deuxième journée de l’Europa League. Les «Gones» brillent sur le terrain et l’emportent deux buts à zéro. En tribune officielle, parmi les notables, on compte la députée insoumise de la première circonscription du Rhône, Anaïs Belouassa-Cherifi, grande fan de foot. La trentenaire est assise entre le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, et l’ancien président de l’OL, Jean-Michel Aulas, qui rêve désormais de s’emparer de l’hôtel de ville. Coude-à-coude dans le stade, les trois personnages le seront aussi dans la campagne municipale lyonnaise.
La mélenchoniste de 30 ans sera bien la candidate des insoumis aux municipales, annonce-t-elle à Libération, après avoir préparé le terrain comme «cheffe de file» de son mouvement, ces derniers mois. «Nous sommes un mouvement qui va avoir 10 ans au mois de février. Nous savons faire de belles campagnes et nous aspirons à avoir des élus locaux pour montrer ce qu’est une gouvernance insoumise basée sur un programme de radicalités concrètes», expose-t-elle.
«Faire mieux pour Lyon»
Il y aura donc deux candidatures de gauche à Lyon face au favori Jean-Michel Aulas, crédité de 47 % d’intentions de vote au premier tour dans un sondage paru mi-octobre. Car contrairement au Parti socialiste, à Place publique et prochainement au Parti communiste, les insoumis ne se rangent donc pas derrière le maire sortant écologiste Grégory Doucet. «Il y a une certaine cohérence avec la politique nationale que nous portons, justifie la députée. On ne va pas, localement, aller dans une alliance avec des gens qui n’ont pas censuré un gouvernement qui retire 5 milliards d’euros aux collectivités territoriales.»
L’élue reproche aussi à l’édile de faire campagne uniquement sur son bilan. «On ne peut pas juste parler aux gens qui vont bien à Lyon, pique-t-elle. Il y a énormément de difficultés, de la précarité, d’injustice… Notre rôle est de proposer une alternative.» Quant aux personnalités de la majorité sortante qui se réclament de LFI, notamment issues de listes citoyennes, ce serait à mauvais droit. «Ils n’ont jamais fait l’exercice de venir expliquer les délibérations aux militants, aux militantes», accuse la candidate. Son futur slogan ? «Faire mieux pour Lyon.» Une déclinaison du célèbre «Faites mieux» lancé par Jean-Luc Mélenchon au Cirque d’hiver, à Paris, le soir du premier tour de la présidentielle de 2022.
Anaïs Belouassa-Cherifi est très proche du tribun insoumis, qu’elle a rejoint en 2017 alors qu’elle était syndicaliste étudiante au sein de l’Unef. Celle qui reconnaît avoir été sensible, en 2012, au discours du Bourget du François Hollande, explique s’être ensuite construite politiquement contre son quinquennat, mentionnant la loi Travail de Myriam El Khomri, la loi Fioraso sur l’université ou le débat sur la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux après les attentats de 2015 – «le summum», dit-elle.
«Ça fait trop mal de voir la gauche reprendre cette idée quand on est issu de l’immigration comme moi, que la question de l’identité est déjà difficile et que ma famille m’a toujours expliqué qu’il fallait rester discret et ne pas se faire remarquer», développe la Franco-algérienne. Parfois, la députée se dit qu’un jour, elle ira voir l’ex-chef d’Etat, qu’elle croise à l’Assemblée, pour lui dire «qu’il a déçu toute une génération». Ou pour le remercier «sans lui», elle n’aurait «pas découvert Jean-Luc Mélenchon».
«Tu repars en campagne»
Stagiaire dans le groupe LFI au Parlement européen, puis associée à la rédaction du programme pour la présidentielle de 2022, Anaïs Belouassa-Cherifi se voit, fin 2021, proposer de coordonner les déplacements de Mélenchon pendant la campagne. En voyage de noces en Algérie en juin 2024, son téléphone sonne. Au bout du fil, un membre du comité électoral de LFI : «J’espère que tu t’es bien reposée parce que tu repars en campagne.» A la faveur de la dissolution, elle se lance dans la première circonscription du Rhône et l’emporte largement face au macroniste Thomas Rudigoz, dans une triangulaire avec le Rassemblement national.
Au Palais-Bourbon, la trentenaire ne se fait pas aux premiers «madame la députée» prononcés par le personnel de l’Assemblée. «Je ne me sentais pas légitime et je réfrène beaucoup la personne que je suis vraiment. Je suis toujours dans ce truc “il faut être poli, gentil, lisse” qu’on m’a appris quand j’étais petite, alors que je ne suis pas forcément comme ça. Un jour, le naturel reviendra au galop», sourit-elle.
Si Lyon est désormais «sa» ville, c’est seulement en 2013, quand sa mère se trompe de sortie sur le retour des vacances, qu’elle l’a traversée pour la première fois. «On est passé dans le centre puis devant l’université de Lyon-2 sur les quais, où était inscrit sur des grandes bâches vertes “sciences politiques, droit, et histoire”. C’est comme si j’étais à Disneyland j’ai dit : “Je veux faire ça”», raconte-t-elle. La rentrée suivante, elle y débute une double licence histoire-sciences politiques en multipliant les baby-sittings et les missions d’intérim pour financer ses études. Elle qui a connu la précarité promet que le sujet aura une place importante dans son programme. Elle en dévoilera les premières mesures au moment de son lancement de campagne, prévu au début du mois de novembre.