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Libération
Revirement

Musée-Mémorial du terrorisme : un abandon inassumable pour Macron, qui annonce le maintien du projet

Le président de la République a fait savoir lundi aux équipes qui portent le projet que l’institution verrait bien le jour sur le mont Valérien, contrairement à ce qu’avait annoncé Matignon il y a un mois. La décision d’un musée au rabais était trop difficile à assumer alors que la France commémore le dixième anniversaire des attentats de Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher.
Emmanuel Macron est finalement revenu sur la décision de ne pas implanter le Musée-Mémorial du terrorisme au Mont-Valérien. (Laurent Cipriani/AP)
publié le 7 janvier 2025 à 9h39

Le symbole était trop fâcheux pour qu’Emmanuel Macron, qui multiplie les gestes mémoriels lors de son second quinquennat, ne revienne pas dessus : mardi 7 janvier, en ce jour anniversaire des attentats contre Charlie Hebdo, les promoteurs du Musée-Mémorial du terrorisme ont annoncé qu’il verrait bien le jour sur le mont Valérien, à Suresnes (Hauts-de-Seine). «Le président de la République nous a assurés hier [lundi, ndlr] soir de son engagement pour poursuivre le projet du MMT à Suresnes, a écrit sur X l’historien Henry Rousso, qui préside la mission de préfiguration de cette institution. C’est une bonne nouvelle pour toutes les victimes du terrorisme en ce jour commémoratif que de voir la parole de l’Etat respectée.»

Ce revirement n’est pas totalement une surprise : après la démission du gouvernement Barnier, l’Elysée avait fait savoir que cette décision serait «remise en question par le prochain» gouvernement. Il y a moins d’un mois pourtant, Rousso annonçait avoir appris, du cabinet du Premier ministre Barnier, l’abandon du Musée-Mémorial au profit d’un «musée hors les murs», et du Mémorial national aux victimes du terrorisme au profit de sa fusion avec le futur jardin mémoriel des victimes des attentats du 13 Novembre. «C’est d’un mépris sans nom pour les victimes du terrorisme en premier lieu, mais aussi pour nous, les équipes qui travaillons sur ce musée depuis cinq ans», dénonçait-il dans nos colonnes.

Des craintes de confusion avec la mémoire de la Seconde Guerre mondiale

Officiellement, des raisons budgétaires avaient été avancées, le projet se chiffrant à 95 millions d’euros, un coût pour l’essentiel lié aux travaux de restauration du bâtiment classé monument historique qui devait l’abriter. Mais d’autres raisons semblent avoir joué, comme la crainte de plusieurs fondations que cette institution, qui doit couvrir «cinquante ans d’histoire du terrorisme en France et dans le monde, la question des médias, des procès, des mobilisations», selon Rousso, ne fasse d’ombre à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. La Fondation de la Résistance et la Fondation pour la mémoire de la Shoah (FMS) notamment avaient alerté le Président en février sur le risque de confusion au sujet des résistants exécutés comme «terroristes». Une confusion selon eux induite par le choix d’implanter le MMT au mont Valérien, qui abrite déjà le Mémorial de la France combattante. «Ces inquiétudes sont normales, explique une source proche de la FMS. Il n’était pas très judicieux de choisir le mont Valérien. Et il y a une inflation de lieux autour de cette époque, qui peut faire craindre une dispersion», comme le Mémorial de Caen.

«Il n’y a aucun risque que la mémoire de la Seconde Guerre mondiale disparaisse, on a panthéonisé Manouchian, on a commémoré le Débarquement, on va panthéoniser Marc Bloch», avait rappelé Rousso dans Libé. Quant au risque de confusion entre «terrorisme» et «résistance», l’historien Denis Peschanski, spécialiste de la Résistance, estime au contraire que «la proximité avec le mont Valérien est un moyen de montrer cette différence. C’est d’autant plus crucial que la question du terrorisme est au programme de troisième et de terminale. Les enseignants ont besoin d’un tel lieu».

Près de 2 000 pièces comportant des scellés judiciaires

L’annonce de l’abandon du MMT avait provoqué la consternation parmi les victimes, proches de victimes et acteurs de la lutte antiterroriste. Arnaud Lançon, dont le frère Philippe a échappé à la mort lors de la tuerie à Charlie Hebdo, avait fait circuler une pétition pour rappeler que ce projet avait été «lancé dans l’après-coup des attentats de 2015 et 2016, avec le soutien constant du président de la République».

De fait, les collections sont bien avancées, avec près de 2 000 pièces comportant des scellés judiciaires ou des dons de victimes, comme des kippas d’enfants tués par Mohammed Merah à Toulouse, des chaises du bar «la Belle Equipe» avec des impacts de balle du 13 Novembre… Mais ces atermoiements de l’exécutif auront fait dérailler le calendrier : le musée ne devrait pas ouvrir ses portes avant fin 2027 ou 2028.