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Lutte ouvrière

Nathalie Arthaud à la Mutualité: «Plus on est de révolutionnaires, mieux c’est»

Election Présidentielle 2022dossier
Devant 1 500 personnes réunies à la Mutualité à Paris, la candidate Lutte ouvrière à la présidentielle a cogné sur tout le monde, de Zemmour à Mélenchon en passant par Macron. Seul épargné, Philippe Poutou.
«L'Internationale» et les drapeaux rouges, fondamentaux des meetings de Lutte ouvrière. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
publié le 13 février 2022 à 7h12

Qu’on se rassure. A Lutte ouvrière, il y a des choses qui ne changent pas. L’Internationale retentit toujours en ouverture et en conclusion de meeting, les drapeaux rouges flottent toujours dans l’air, les interventions commencent toujours par «travailleurs, travailleuses» et le discours est toujours aussi féroce contre «la bourgeoisie», «le grand patronat» et «les actionnaires». La formation trotskiste, qui revendique 8 000 adhérents, tenait samedi son grand meeting de campagne à la Mutualité à Paris, haut-lieu de la gauche française.

La recette est simple : on invite ceux «d’en bas» à monter sur scène et à raconter leur vie quotidienne, souvent faite de galères et de conditions de travail infernales. Une infirmière raconte qu’on lui demande de travailler parfois douze heures par jour, une factrice assure que c’est «mission impossible» de faire correctement son travail, une ouvrière s’emporte contre les heures supplémentaires non payées. A chaque fois, la salle applaudit et les 1 500 personnes se serrent les unes contre les autres.

«Elle n’est pas politicienne à plein temps»

On avait l’image d’un parti poussiéreux, de militants vieillissants, d’un discours rabougri. Dans les rangs, c’est beaucoup plus mélangé. Des jeunes, des vieux, des étudiants, des enseignants, des retraités, des chômeurs. Julien a 23 ans. Il est étudiant en cinéma et vit à Angoulême. Il est venu applaudir Nathalie Arthaud, candidate pour la troisième fois à l’élection présidentielle. Il «pourrait voter» pour le Parti communiste français (PCF), mais ce qui fait la différence à ses yeux, c’est le profil des gens mis en avant. Il dit : «Je me sens proche de Nathalie Arthaud, qui est prof, qui connaît la réalité et qui n’est pas politicienne à plein temps.» Pour le jeune homme venu seul au meeting, «même les gens pas spécialement révolutionnaires» auraient intérêt à voter pour la candidate Lutte ouvrière. «Regardez la façon dont les marchandises sont produites et gâchées, regardez la façon dont les travailleurs sont maltraités. Ça ne peut plus durer», insiste-t-il.

A la tribune, on a l’impression qu’un petit jeu se met en place. Comme si celui qui répétera le plus grand nombre de fois «capitalisme» emportait la partie. Jean-Pierre Mercier, ouvrier à l’usine PSA de Poissy, gagne haut la main. Le porte-parole de l’organisation d’extrême gauche oppose «les patriotes, les protectionnistes de droite comme de gauche, les partisans des frontières et des barbelés» aux «internationalistes» dont il se réclame. Le ton se veut plus grave quand il évoque cet «ouvrier de 54 ans mort sur son lieu de travail». «On crève au boulot.» Silence. Puis : «On crève au boulot», répète-t-il en insistant sur chaque syllabe.

Dans les travées, on croise quelques militants qui ont leur carte depuis «peut-être trente ans». Entre Lutte ouvrière et ses adhérents, c’est un peu une histoire d’amour. Ils en parlent avec passion. «Je n’irai voir ailleurs pour rien au monde. Pourquoi être infidèle», questionne Nicole, sans qu’on sache exactement si elle parle de son mari à quelques mètres derrière ou du parti qui a propulsé Arlette Laguiller six fois dans la course à la présidentielle, entre 1974 et 2007.

«Dupont et Dupond de l’extrême droite»

Quand Nathalie Arthaud monte sur scène, les yeux des militants brillent, même s’ils jurent ne pas croire «en l’homme ou la femme providentielle». Ils ne sont pas là pour ça. Leur objectif : «Renverser le capitalisme et instaurer un pouvoir des travailleurs.» Elle annonce clairement : «Je ne vise pas la présidence de la République. J’aspire à bien plus que ça.» Avant de préciser : «Ça doit venir par le bas.»

Dans son discours, tout le monde en prend pour son grade. Jean-Luc Mélenchon ? «Il a pour projet de travailler main dans la main avec la bourgeoisie. Il a sûrement le meilleur lifting», mais il ne propose que des «miettes» aux «travailleurs». Eric Zemmour ? Un «révisionniste» qui «vomit sa bile raciste» et qui promeut «la déportation de masse». L’enseignante de 51 ans se lance alors dans un long plaidoyer en faveur de «la liberté de circulation et d’installation». Le ton est offensif. «Je suis fière de dire bienvenue aux femmes et aux hommes forcés de migrer. Ceux qui traversent la mer Méditerranée au péril de leur vie font partie intégrante de mon camp.» Elle ajoute : «Ce sont nos frères et nos sœurs qui, demain, travailleront avec nous dans les abattoirs, dans les usines, dans les rues, dans les hôpitaux.» Elle défend la «préférence de classe» face à la «préférence nationale» de Marine Le Pen et Eric Zemmour, qu’elle rebaptise les «Dupont et Dupond de l’extrême droite».

Celle qui vient de franchir le seuil des 400 parrainages – elle devrait avoir les 500 dès la semaine prochaine – assure qu’elle ne voit pas la candidature de Philippe Poutou (NPA) d’un mauvais œil : «Plus on est de révolutionnaires, mieux c’est. Ce n’est pas un concurrent. On aura deux fois plus de temps de parole et c’est tant mieux.»

Elle tourne les talons et s’en va dédicacer son dernier livre intitulé Communiste, révolutionnaire, internationaliste ! Les visages défilent, elle en reconnaît certains. Le tutoiement est de rigueur. Elle leur dit «merci d’être là» et leur donne rendez-vous le 3 avril pour le dernier grand meeting de campagne de Lutte ouvrière. Ce sera au Zénith de Paris, une semaine avant le premier tour. Avec drapeaux rouges et Internationale.