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Néonicotinoïdes : un pesticide interdit bientôt réintroduit ?

Les députés ont approuvé mercredi 14 mai en commission la réintroduction dérogatoire de l’acétamipride, interdit en France, mais autorisé ailleurs en Europe. Le texte sera examiné dans l’hémicycle à partir du 26 mai, sous la pression du monde agricole.
Pancartes pour protester contre les néonicotinoïdes sur l'esplanade des Invalides à Paris, le 23 septembre 2020. (Julien Muguet/Hans Lucas)
publié le 15 mai 2025 à 10h18
(mis à jour le 15 mai 2025 à 10h22)

Les députés ont approuvé mercredi 14 mai en commission des Affaires économiques, la réintroduction dérogatoire d’un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, l‘acétamipride. Un pesticide nocif pour les pollinisateurs interdit en France depuis 2018, mais qui reste utilisé dans plusieurs autres pays de l’Union européenne jusqu’en 2033 − notamment sur la betterave ou la noisette. L’examen du texte doit débuter dans l’hémicycle le 26 mai.

Mercredi, les membres de la commission ont ainsi donné leur feu vert pour que cet insecticide puisse être autorisé par décret, pour une durée limitée de trois ans, et à titre «dérogatoire» pour certaines filières en situation d’impasse. La mesure constitue l’une des dispositions les plus irritantes de la proposition de loi, venue du Sénat (et portée par le sénateur LR Laurent Duplomb), qui vise à «lever les contraintes» pesant sur le métier d’agriculteur − certaines conditions sont prévues comme l’engagement de la filière dans «un plan de recherche d’alternatives».

A l’unisson, les députés de la gauche ont dénoncé un grave retour en arrière et une atteinte à la santé. «Ces pesticides sont particulièrement toxiques et connus pour être des tueurs d’abeilles», a dénoncé la députée LFI Mathilde Hignet. Cela «représente une catastrophe pour la biodiversité, la santé des agriculteurs et des riverains», a-t-elle ajouté.

A contrario, le rapporteur du texte, le député LR Julien Dive a défendu une mesure qui «apporte une solution ponctuelle pour un usage précis à une filière qui ne dispose pas d’autre solution et qui se retrouve pénalisée par rapport à ses voisines européennes». Sans y parvenir, les députés RN ont tenté de lever complètement l’interdiction.

Les députés du bloc central divisés

Le texte dans son ensemble, défendu par la droite et l’extrême droite, mais rejeté par la gauche, divise les députés du bloc central : ils sont partagés entre revendications d’une partie du monde agricole et inquiétudes pour l’environnement et la santé. Plus tôt, ce sont eux qui ont fait la bascule contre une série de dispositions venant contraindre l’Anses, l’agence sanitaire en charge d’évaluer la dangerosité des pesticides et leur autorisation en France.

Par exemple, la commission a rejeté une mesure qui imposait à l’Anses des priorités dans l’ordre d’évaluation des produits pesticides et donc de leur éventuelle autorisation ou interdiction. Une «ligne rouge» constituant une grave «atteinte à l’indépendance de la science», selon les mots du député socialiste Dominique Potier.

Lors de son audition à l’Assemblée nationale le 25 mars, le directeur général de l’Agence, Benoît Vallet, avait expliqué aux élus que l’adoption de cette disposition entraînerait sa démission. Au cours des débats, le député Richard Ramos a dénoncé les menaces exercées par la FNSEA, le syndicat historique, qui a, selon lui, appelé à «murer» les permanences des députés MoDem ou «même à aller chez eux».

Le monde agricole monte au créneau

Ce jeudi, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a appelé sur RMC à «de nouvelles actions» en France à partir du 26 mai, pour soutenir cette proposition de loi : «nous appelons, avec les Jeunes agriculteurs, à une nouvelle manifestation, à de nouvelles actions, parce que nous considérons aujourd’hui que, après avoir manifesté, travaillé, subi tout ce qui se passe sur le plan politique […] les promesses qui nous sont faites ne sont pas là et c’est intolérable pour nous».

Selon Arnaud Rousseau la mobilisation agricole se fera «à la fois à Paris et en province», à travers sans doute des «actions ponctuelles» à une époque de l’année où les agriculteurs sont occupés dans leurs exploitations, avant les récoltes.

Le texte est considéré comme «vital» par la FNSEA car il répond aux attentes des exploitants après la crise de l’an dernier. Son président estime que la parole donnée par le gouvernement «n’est pas tenue» car le texte, qui prévoit notamment de faciliter le stockage de l’eau, l’accès aux pesticides ou l’agrandissement des élevages, est «détricoté» en commission à l’Assemblée.