Trois semaines après sa réélection, Emmanuel Macron a accepté la démission du gouvernement que Jean Castex dirigeait depuis juillet 2020, ouvrant la porte à une séquence politique contenant quelques figures qui se sont imposées au fil de la Ve République. Le chef de l’Etat n’aime rien moins que casser les codes, cette fameuse «disruption macroniste». Mais Libération prend quand même le risque de faire un petit point sur les étapes qui devraient marquer les prochaines heures ou les prochains jours.
Nomination d’une nouvelle Première ministre
Jean Castex out, Elisabeth Borne in. C’était le sujet qui agitait toute la macronie depuis des semaines. Plutôt une femme, plutôt écolo, plutôt jeune : le portrait-robot était apparemment compliqué à respecter au vu des trois semaines d’attente, mais à l’arrivée, l’ancienne ministre du Travail de Macron semble cocher plusieurs cases – c’est une ancienne ancienne de gauche familière des questions environnementales. Une prolongation du suspense qui ressemble à Emmanuel Macron et qui a le mérite de neutraliser une partie de la campagne des législatives. Si la nomination de Borne s’est faite par simple communiqué, il revient souvent au secrétaire général de l’Elysée – toujours Alexis Kohler, bien que son nom ait été cité dans le giga festival de rumeurs pour Matignon qui domine la vie politique française depuis trois semaines – de l’annoncer. Une déclaration faite depuis le perron de l’Elysée. Lionel Jospin est l’auteur du plus gros accroc à ce protocole non écrit de la Ve République : en 1997, le leader de la «gauche plurielle» qui vient de remporter les législatives après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale avait à cœur de marquer son indépendance. Premier ministre de cohabitation de Jacques Chirac, il avait annoncé lui-même sa nomination en haut des escaliers de l’Elysée.
Consultations pour former le gouvernement
C’est la grille du Coq, discrète entrée située à l’arrière de l’Elysée, qui en sait le plus dans ces moments-là. Qui vient au palais présidentiel, pour quoi, combien de fois et combien de temps ? A moins que le nouveau locataire de Matignon ne fasse comme Edouard Philippe et passe très officiellement par l’entrée principale, rue du Faubourg Saint-Honoré comme en 2017 où le maire du Havre avait passé deux matinées de suite à l’Elysée, n’en repartant qu’après le déjeuner. Message transmis : ça bosse fort et l’osmose s’installe entre les deux têtes de l’exécutif. Y’a pas de collaborateur qui tienne. Selon un conseiller de l’exécutif, une dizaine de profils ministériels avaient déjà atterri sur le bureau de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique en fin de semaine. Histoire de ne pas se retrouver avec des déconvenues du genre de celles d’Eric Dupond-Moretti, la surprise du chef du remaniement de juillet 2020.
Nomination du gouvernement
C’est (aussi) le secrétaire général de l’Elysée qui annonce la composition du nouveau gouvernement, qui est nommé, conformément aux articles 8 et 9 de la Constitution, par le président «sur la proposition du Premier ministre». Gouvernement de combat, resserré, limité aux ministères avant la promotion d’une flopée de secrétaires d’Etat, parité respectée, diversité ? Nul ne sait. Mais dès l’apparition d’Alexis Kohler sur le perron, noms et libellés seront instantanément analysés ainsi que le rang protocolaire des nouveaux entrants.
Serrages de louches et passations de pouvoirs
C’est la valse des berlines. Les clés du gouvernement changent de mains. Sous les applaudissements de l’équipe de Matignon, Jean Castex va quitter le champ des caméras et de la politique nationale, direction trois semaines de vacances dans ses Pyrénées-Orientales. Depuis la victoire d’Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, conseillers et administrations ont bossé sur les «dossiers ministres», ces annuaires qui détaillent tous les projets en cours à remettre aux entrants. Qui auront à cœur de proclamer leur envie de bien travailler dans les petits speechs d’arrivée, après avoir rendu hommage à leur prédécesseur. Face aux photographes, il y aura les émus et les fiérots. Pour l’instant, personne n’a mieux réussi son happening de départ que Marie-Laure de Villepin, épouse de Premier ministre, qui avait fait fabriquer une veste à son couturier préféré portant les mots «Ciao, Adios, Salut, Bye Bye» brodés en multicolore.
Premier Conseil des ministres et photo de famille
Pour la postérité, la nouvelle équipe pose dans les jardins de l’Elysée et il faudra faire gaffe cette semaine au fond de teint qui coule ou aux auréoles sous les bras : on annonce un temps caniculaire pour à Paris, notamment mercredi, traditionnel jour de conseil des ministres. Mais ce cliché devrait avoir une durée de vie relativement courte puisque la coutume politique veut qu’un gouvernement soit modifié ou étoffé après les législatives. On devrait donc voir arriver de nouvelles binettes ministérielles après le 19 juin.
Mise à jour : ajout ce lundi 16 mai à 18 h 35 de la nomination d’Elisabeth Borne au poste de Première ministre.