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Libération
De Charybde en Scylla

Nouveau Premier ministre, nouvelle dissolution ou démission : les options fragiles de Macron après la démission de Lecornu

Le départ du chef du gouvernement, lundi 6 octobre, place le chef de l’Etat face à un dilemme. Examen des différentes pistes, inconfort garanti.

Emmanuel Macron, le 3 octobre au Luxembourg. (Nicolas Tucat/AFP)
ParAntoine Rondel
chef adjoint du service Actu
AFP
Publié le 06/10/2025 à 21h19

Nommer un nouveau Premier ministre avec une espérance de vie particulièrement faible à Matignon, dissoudre l’Assemblée nationale au risque d’affaiblir son camp et de renforcer les oppositions, notamment le Rassemblement national, ou tout simplement quitter l’Elysée. Après avoir demandé à Sébastien Lecornu de mener d’«ultimes négociations» d’ici mercredi, Emmanuel Macron n’a aucune option sans risque devant lui.

Un nouveau Premier ministre

Après Michel Barnier (LR), François Bayrou (MoDem), et Sébastien Lecornu (Renaissance), Emmanuel Macron peut décider de nommer un nouveau Premier ministre, ce qui en ferait le quatrième en moins d’un an, le sixième de son deuxième mandat et le huitième depuis son arrivée à l’Elysée.

Première hypothèse : si Sébastien Lecornu parvient à définir les contours d’une «plateforme d’action et de stabilité pour le pays», la mission que le chef de l’Etat lui a fixée, ce dernier pourrait alors le renommer à Matignon. Mais le locataire sur le départ a semble-t-il balayé la suggestion, nous ont appris le Figaro et BFM, selon qui il ne souhaite pas se réengager rue de Varenne.

Seconde hypothèse : Emmanuel Macron devrait alors choisir une autre personnalité issue du bloc central. Mais les velléités des LR, la dispersion du camp macroniste et les interrogations des alliés MOdem promettent une tâche difficile.

Troisième hypothèse, la cohabitation. Le président pourrait répondre aux exigences de l’essentiel de la gauche (à l’exception de LFI qui répète ne pas y croire une seconde), qui renouvelle depuis sa victoire aux dernières élections législatives sa revendication du poste. Le Parti socialiste a lancé lundi un nouvel appel en ce sens. Les roses ont été suivis par les Ecologistes, dont la patronne Marine Tondelier a jugé sur BFM que «la cohabitation» est «la dernière porte de sortie qu’a Emmanuel Macron», et par le PCF, dont le secrétaire national Fabien Roussel a jugé dans Ouest France qu’il restait une issue au président : «Nommer un gouvernement de gauche» ;

Mais chacun de ces cas de figure n’exclut pas le risque d’une censure rapide de la future équipe gouvernementale, d’autant que le Rassemblement national a haussé le ton lundi en assurant qu’elle censurerait «systématiquement» tout gouvernement jusqu’à la dissolution…

La dissolution, devenue «incontournable» ?

Le président de la République «prendra ses responsabilités», selon son entourage, si le Premier ministre démissionnaire échoue à réconcilier une coalition en lambeaux. La formule laisse planer la menace d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, un an et demi après celle de juin 2024, consécutive à la défaite essuyée par le camp présidentiel aux européennes. «On est au bout du chemin, il faut arrêter. Ministres de droite, ministres de gauche, on arrête, et ce sont les Français qui vont décider», a lancé Marine Le Pen, pour qui la dissolution est «absolument incontournable».

Les appels à des élections législatives anticipées sont de plus en plus nombreux, à l’extrême droite mais aussi au sein d’une partie de la droite. Bruno Retailleau, à l’origine de la démission de Sébastien Lecornu, n’y semble pas favorable : «Il y a d’autres moyens avant d’en arriver là», a-t-il indiqué, mais c’est le président qui «a les clés».

Le pari semble néanmoins extrêmement risqué pour Emmanuel Macron, qui avait déjà fait perdre à son camp près d’une centaine de sièges au Palais Bourbon en 2024. Et la pagaille des dernières heures risque de ne rien arranger… «S’il n’y a pas d’unité du socle commun, c’est un massacre assuré pour le bloc central», prédit un ancien ministre du camp présidentiel.

La démission… ou la destitution ?

Dernière option, la plus spectaculaire, le départ d’Emmanuel Macron. Si le Président a toujours assuré qu’il irait jusqu’au bout de son mandat, la pression se fait de plus en plus forte.

Marine Le Pen a estimé qu’elle n’avait pas à «appeler» le président français à démissionner, mais a tout de même jugé vendredi que ce serait une décision «sage». Même à droite, quelques appels à la démission se font entendre. «L’intérêt de la France commande qu’Emmanuel Macron programme sa démission», a écrit sur X le vice-président LR David Lisnard.

Une telle option est surtout réclamée en boucle par La France insoumise. «Il ne reste aujourd’hui que le départ du président de la République, que ce soit par une démission ou une destitution», a estimé lundi lors d’une conférence de presse le coordinateur du mouvement de gauche radicale, Manuel Bompard. Les insoumis avaient déposé début septembre une motion de destitution d’Emmanuel Macron, dont la recevabilité sera examinée mercredi par le Bureau de l’Assemblée, sa plus haute instance exécutive. Mais la procédure, complexe, semble vouée à l’échec à ce stade.