Le dossier néo-calédonien va-t-il passer de Beauvau à… l’Elysée ? Géré depuis des décennies par Matignon compte tenu de son caractère inflammable, le sujet est porté depuis deux ans par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, mais malgré ses sept voyages à Nouméa depuis, la confiance semble brisée avec le camp indépendantiste. Et les tensions dans l’archipel français du Pacifique ne retombent pas alors que l’Assemblée nationale doit entériner, ce lundi 13 mai, une réforme du corps électoral contestée par les Kanaks, première étape d’une reforme constitutionnelle sensible.
Résultat, le président de la République semble prêt à se mouiller. Son entourage a indiqué à l’AFP dimanche qu’Emmanuel Macron proposait d’inviter à Paris l’ensemble des parties néo-calédoniennes pour une rencontre visant à relancer le dialogue sur l’avenir institutionnel de ce territoire colonisé en 1853 et engagé depuis les années 1980 dans un processus d’autodétermination.
Blocages politiques et institutionnels
«Réaffirmant sa volonté de privilégier le dialogue dans le cadre du chemin d’avenir qu’il avait appelé à bâtir à Nouméa en juillet dernier, le président de la République a demandé […] que l’ensemble des représentants soient invités à Paris pour une rencontre avec le gouvernement», explique l’Elysée. Emmanuel Macron a également promis qu’il ne convoquerait pas «dans la foulée» le Congrès en cas d’adoption du texte par le Parlement. Déjà adopté par le Sénat, le dégel du corps électoral pour les prochaines élections provinciales est examiné lundi et mardi par l’Assemblée. Le projet est de permettre à des citoyens français installés dans l’archipel après les accords de Nouméa (soit 1998) et résidents depuis au moins dix ans de pouvoir désormais participer aux scrutins locaux. Ce qui désavantagerait la communauté kanak, indépendantiste, et offrirait davantage de pouvoir aux loyalistes, partisans d’un maintien du Caillou dans la République.
Macron souhaitait une adoption de cette réforme constitutionnelle «début 2024» mais semble donc prêt à davantage de patience compte tenu des tensions locales. Le texte actuellement en discussion comporte pourtant une date d’entrée en vigueur au 1er juillet 2024, ce qui implique un vote préalable du Parlement. Les prochaines élections provinciales doivent se tenir avant le 15 décembre 2024. En 2019, elles avaient été remportées par les loyalistes. Mais les divisions dans ce camp avaient permis aux indépendantistes d’emporter la présidence de l’institution, ouvrant une période de blocages politiques et institutionnels. Le troisième référendum d’autodétermination, organisé en 2021 en pleine épidémie de Covid sur l’île avait fini de rompre la confiance entre indépendantistes – qui avaient boycotté le scrutin – et Paris. Beaucoup réclament le retour d’une «mission du dialogue» et la fin d’un dossier géré par le ministère de l’Intérieur. Depuis, engluée dans une crise économique profonde et touchée par les difficultés de sa filière nickel, la Nouvelle-Calédonie est dans le flou quant à son avenir institutionnel.