Le texte prévoyant le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie repart en arrière, direction la commission mixte paritaire (CMP). La conséquence d’une tactique du camp gouvernemental éprouvée à l’Assemblée contre un «barrage» d’amendements assumé par les insoumis, qui voient dans ce texte l’amorce d’une réforme institutionnelle de l’archipel qui divise. La motion de rejet, déposée par deux députés du groupe macroniste, a été adoptée par 257 voix contre 105, avec les voix du camp gouvernemental et de l’alliance RN-UDR.
Cette proposition de loi organique, déjà adoptée au Sénat, doit décaler les élections provinciales prévues d’ici au 30 novembre à «mai-juin». Déjà reporté deux fois depuis 2024, le scrutin doit permettre d’élire les membres des assemblées provinciales et du Congrès de Nouvelle-Calédonie, l’une des chambres du parlement local. L’un des reports faisait suite aux manifestations contre le dégel du corps électoral en automne et à l’été 2024. Un épisode de violence lors duquel quatorze personnes sont mortes sur l’archipel.
L’enjeu du nouveau corps électoral
Mardi, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet avait dénoncé une «pure obstruction» de la part de La France insoumise (LFI) dont le «barrage parlementaire» assumé s’était traduit par le dépôt de «près de 2 000 amendements». Des députés centristes soutenant le report avaient eux déposé des amendements pour supprimer les trois articles que contient le texte. Le but : contourner les centaines d’amendements en transmettant directement la proposition de loi à une CMP favorable au report des élections locales.
Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon suit la position du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), qui s’est prononcé pour le maintien des élections en novembre. Et pour cause, si les élections avaient lieu fin 2025 elles interviendraient avant l’élargissement du corps électoral. Cette augmentation du nombre de votants devrait profiter aux loyalistes, le camp opposé à l’indépendance. Actuellement, seuls certains habitants peuvent voter, notamment ceux établis sur le territoire avant 1998 et leurs descendants, ce que dénonce le camp loyaliste. C’est en partie au nom de ce «dégel» que les partisans du texte prônent le report des élections provinciales.
Un report marchepied de l’accord de Bougival ?
Certains opposants estiment que le gouvernement veut s’appuyer sur ce report pour paver la voie de l’accord de Bougival. A l’instar du député Bastien Lachaud (LFI) qui dénonçait avant le vote de ce mercredi une «volonté de passer en force» en faveur du texte porté par Manuel Valls lors de son passage aux Outre-mer.
L’accord, qui prévoit l’inscription dans la Constitution d’un «Etat de la Nouvelle-Calédonie» et d’une nationalité calédonienne notamment, n’est pas encore entré en vigueur de manière effective. Il faudra attendre l’adoption d’une loi constitutionnelle, proposée mi-octobre en Conseil des ministres, et d’une loi organique spéciale, prévu pour «mars-avril» selon le texte, pour qu’il prenne effet.
Problème : l’accord ne fait plus l’unanimité. Après l’avoir rejeté à l’unanimité lors de son congrès mi-août, le FLNKS avait annoncé le «retrait formel» de ses signatures au projet d’accord. Les troupes du mouvement indépendantiste, dont les dirigeants avaient d’abord donné leur accord de principe, dénonçant un texte dénaturant «entièrement la portée de [leurs] engagements», notamment parce qu’il ne prévoit pas de nouveau référendum sur l’indépendance.