Menu
Libération
Echec annoncé

Nouvelle-Calédonie : l’accord de Bougival en passe d’être rejeté par les indépendantistes, Valls se rendra sur place

Réunis en congrès samedi 9 août, le FLNKS n’a pas fait connaître sa position sur l’accord signé il y a un mois, mais le président du mouvement a toutefois appelé les militants à «confirmer le rejet» du document. Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a annoncé son retour dans l’archipel le 18 août pour reprendre les négociations.
Ouverture du 44eme congres du FLNKS a Saint-Louis sur la commune du Mont-Dore, 25 janvier 2025. (Delphine Mayeur/Hans Lucas.AFP)
par Baptiste Gouret, Correspondant à Nouméa
publié le 10 août 2025 à 9h26

C’est ici, il y a bientôt quarante-et-un ans, que les couleurs du drapeau du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) étaient hissées pour la première fois par Jean-Marie Tjibaou. Quatre décennies plus tard, la tribu de La Conception, à une dizaine de kilomètres de Nouméa, a été de nouveau le théâtre d’un moment charnière de la lutte indépendantiste kanak. Samedi 9 août, le 45e congrès extraordinaire du FLNKS y était organisé afin de décider d’une position définitive du mouvement sur l’accord signé à Bougival (Yvelines), le 12 juillet. Les discussions se sont poursuivies jusque tard dans la nuit. Dimanche, les responsables du Front ont indiqué à l’AFP qu’ils feront connaître leur décision mardi, à l’occasion d’une conférence de presse.

Elle fait néanmoins peu de doute. Depuis des semaines, les «groupes de pression» qui composent le FLNKS ont tous exprimé leur rejet du texte, pourtant signé par les cinq représentants de leur délégation. Samedi, le geste traditionnel d’accueil à l’arrivée de chacune des composantes du mouvement a confirmé ce mécontentement général. «On est venu couper Bougival comme on a coupé le dégel», a protesté un militant, en référence à la contestation indépendantiste sur le projet d’ouverture du corps électoral qui avait conduit aux émeutes de mai 2024.

Après les désillusions provoquées par la signature d’une délégation qui n’avait pas mandat pour s’engager de la sorte, le congrès du FLNKS devait permettre de réaffirmer «l’unité du peuple kanak», menacée par les divisions internes, et d’aboutir à «une stratégie commune».

«Nous restons ouverts au dialogue»

C’est ce qu’a rappelé le président du FLNKS, Christian Tein, présent en visioconférence depuis la métropole. «La pirogue va tanguer, mais on doit être ensemble, on doit aller chercher tout le monde», a-t-il insisté, avant de clarifier sa position sur l’accord : «Notre assemblée devra confirmer le rejet clair et sans ambiguïté» du document. Placé sous contrôle judiciaire, après un an de détention pour son rôle supposé dans l’organisation des émeutes de 2024, le leader indépendantiste estime que ce texte n’est «que l’illustration du mépris de la puissance administrante à l’égard de notre combat pour la reconnaissance de nos droits en tant que peuple colonisé».

Il en a profité pour esquisser une première feuille de route sur la suite des négociations avec l’Etat : «Nous restons ouverts au dialogue», mais celui-ci devra se faire en «format bilatéral» et aboutir à la conclusion d’un «accord de Kanaky», le 24 septembre, date d’anniversaire du rattachement de la Nouvelle-Calédonie à la France. A l’issue, «une nouvelle stratégie» pourra être adoptée en fonction de l’avancée des discussions, avec l’objectif affiché «d’accéder à la pleine souveraineté au plus tard avant les élections présidentielles de 2027». Si, en revanche, l’Etat «s’entête» à maintenir le calendrier fixé par l’accord de Bougival, «il sera nécessaire d’activer tous les leviers disponibles afin de stopper définitivement ce processus», a prévenu le président du FLNKS.

Valls bientôt de retour dans l’archipel

La réaction du gouvernement français n’a pas tardé. Avant même la publication des motions qui devront définir la marche à suivre du mouvement indépendantiste, Manuel Valls s’est fendu d’une déclaration, ce dimanche 10 août, sur les réseaux sociaux. «Je regretterai que, dans sa nouvelle configuration – après le retrait des partis historiques Palika et UPM – le mouvement ait choisi de tourner le dos à l’accord de Bougival, signé par ses représentants en toute connaissance de cause», a indiqué le ministre des Outre-mer, en défendant les grands principes de ce qu’il qualifie depuis un mois de «compromis historique». Un texte qu’il se dit toutefois prêt à ajuster.

Plus tôt dans la semaine, Manuel Valls a en effet annoncé la convocation d’un comité de rédaction dans les prochaines semaines à Nouméa. «C’est dans ce cadre que pourra être clarifié l’esprit de l’accord, en particulier sur l’identité, la place et le rôle fondateur du peuple kanak dans l’histoire et l’avenir du territoire», affirme le ministre d’Etat. Une «porte ouverte» dans l’espoir de convaincre les responsables du FLNKS de ne pas enterrer complètement l’accord de Bougival, que Manuel Valls veut conserver comme base de négociations, et qui continue d’être défendu par les cinq autres délégations politiques signataires.

Le ministre a également annoncé son retour prochain dans l’archipel. Il s’y rendra la semaine du 18 août «pour réunir tous ceux qui refusent l’affrontement stérile et qui veulent avancer, ensemble, sur le seul chemin possible : celui du consensus».