Bien fou qui se serait aventuré à mettre une pièce sur un tel dénouement. Et pourtant, au terme d’une semaine d’échanges avec les responsables politiques de Nouvelle-Calédonie, venus à Paris à l’invitation du Premier ministre, le gouvernement a finalement arrêté une date pour le troisième et dernier référendum sur l’indépendance de l’archipel. Mieux, il a défini une période transitoire consécutive à la consultation - et ce, quel qu’en soit le résultat. Le 12 décembre 2021, le corps électoral calédonien, tel que défini par l’accord de Nouméa de 1998, devrait donc une troisième fois répondre à la question suivante : «Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?» Si, comme lors des deux précédents scrutins, le «non» l’emporte (avec 56,7 % des voix en 2019, puis 53,3 % en 2020), une période de transition de deux ans suivra pour définir le nouveau statut du Caillou – jusqu’à présent défini par l’accord de Nouméa signé en 1998. Si, au contraire, le oui sort en tête des urnes, la même période transitoire doit permettre au nouvel Etat d’organiser avec la France les transferts de souveraineté nécessaires. Dans les deux cas, ce changement institutionnel devra ensuite être soumis avant le 30 juin 2023 à un nouveau référendum, puis ratifié par Paris.
«Je dois vous avouer que le premier jour de ces discussions, notre décision n’était pas complètement prise sur la date de ce référendum», a confessé publiquement le ministre des Outre-Mer, Sébastien Lecornu, à la sortie du conseil des ministres, mercredi. Mais, a-t-il, ajouté, «ce temps à Paris était fait pour que la République, son Etat et, singulièrement, son gouvernement, prenne une initiative, dans son rôle et, je le dis tout de go, dans le respect strict des compétences qui sont les nôtres». De fait, Lecornu a rappelé que la définition du calendrier de la consultation relève de la compétence exclusive du gouvernement.
Il ne s’agit donc pas d’un accord obtenu avec les délégations venues en France. «Cette date ne fait pas l’objet d’un consensus», a convenu le ministre qui a néanmoins estimé que les échanges de la semaine avaient fait ressortir l’urgence à travailler sur le monde de l’après accord de Nouméa. D’ailleurs, les indépendantistes de l’Union calédonienne (UC), pourtant présents lors des discussions, n’ont pas tardé à précisé par voie de communiqué que «la position de l’Etat ne [les] engage pas. Elle n’a pas été validée par [leur] délégation». Quant à l’autre moitié du Front de libération nationale, kanak et socialiste (FLNKS) - l’UNI, de Paul Néaoutyine, elle n’avait tout bonnement pas répondu à l’invitation parisienne et a d’ores et déjà prévu de se rendre en métropole dans le courant de l’été. Le choix du ministre fait en revanche plutôt les affaires du camp non indépendantiste, qui s’était déjà positionné en faveur d’une consultation avant la fin de l’année 2021. «A défaut d’accord, il n’y a pas de refus, et quand il n’y a pas de refus c’est qu’il y a une entente... au moins une convergence», se rassure-t-on néanmoins l’entourage de Lecornu, satisfait d’avoir «tracé un chemin de clarté».
Une rencontre des délégations avec Macron
Incontestablement, il s’agit d’un succès politique pour Sébastien Lecornu, ministre des Outre-Mer, qui a la main sur ce dossier traditionnellement suivi par Matignon. Sa dernière visite sur le Caillou, remontant à octobre 2020, avait déjà favorablement impressionné les Calédoniens : Lecornu n’avait alors pas hésité à passer deux semaines à l’isolement pour ensuite passer huit jours sur le territoire, à rencontrer les acteurs politiques calédoniens. Avant de repartir, il avait réuni au débotté cinq élus loyalistes et cinq indépendantistes sur l’îlot de Leprédour, au nord de Nouméa, où il avait, selon ses mots, «forcé le dialogue» et renoué les négociations entre les deux camps, alors au point mort. Mais la deuxième vague du Covid-19 en métropole, puis la crise de l’usine de nickel du Sud en Nouvelle-Calédonie avaient distendu les liens. Ceux-ci sont désormais renoués.
La semaine calédonienne, qui doit se terminer jeudi, a été suivie de près par l’Elysée. Une rencontre des délégations de l’archipel avec Emmanuel Macron a finalement eu lieu mardi après-midi, après que ces dernières ont été informées du chemin sortie de l’accord de Nouméa.