Moins d’un mois après avoir touché du doigt Matignon, le Rassemblement national n’est peut-être pas aussi «normalisé» qu’il le souhaiterait. Lors de l’élection pour le perchoir de l’Assemblée nationale, jeudi, plusieurs députés ont évité une poignée de main avec le député du RN Flavien Termet. A 22 ans, le benjamin de l’hémicycle était chargé de veiller au bon fonctionnement du vote, comme le veut la tradition. Mais debout devant l’urne la main tendue, l’élu d’extrême droite s’est vu à plusieurs reprises ignoré par des membres du Nouveau Front populaire, appelés un à un pour venir glisser leur bulletin.
Parmi les réfractaires : Manuel Bompard, Mathilde Panot, Aymeric Caron, Clémence Guetté ou encore François Piquemal, qui s’est à la place essayé à un «pierre, feuille, ciseaux». Mais les insoumis ne sont pas les seuls à avoir tourné la tête. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a lui aussi préféré ignorer la poignée de main, tout comme le président des députés socialistes Boris Vallaud et l’écologiste Sandrine Rousseau. «Je ne serre pas la main du Rassemblement national», a assumé l’élue des Verts sur le plateau de TF1. «Serrer la main, c’est déjà les banaliser. Donc non.»
Du côté du camp présidentiel aussi, certains – à l’image de l’ancienne ministre Agnès Pannier-Runacher – ont préféré ignorer le benjamin.
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De quoi provoquer la colère de certains membres du parti d’extrême droite. C’est un «comportement inacceptable, odieux […] qui est profondément anti-républicain», a martelé dans la foulée le député RN Julien Odoul, au micro de BFM. «La gauche importe dans l’hémicycle une culture racaille qui abîme nos institutions», a renchéri sur X (ex-Twitter) Jordan Bardella, qui en a profité pour fustiger «l’indignité dès le premier jour».
Fillon, Ciotti, Copé…
Pourtant, le geste est loin d’être inédit. «C’était déjà un sujet en 1989», rappelle l’Institut national de l’audiovisuel (INA) sur X, au lendemain du vote. A l’époque, deux hommes étaient réunis sur le plateau de la Cinq, après les législatives partielles de novembre 1989 : Harlem Désir, alors président de SOS Racisme, et Carl Lang, secrétaire général du Front national. «Moi, je ne m’amuse pas pour les plaisirs des caméras de télévision à serrer la main de gens qui passent leur temps à attiser la haine raciale», avait alors sèchement déclaré Harlem Désir.
Serrer la main de membres de l'extrême droite, c'était déjà un sujet en 1989.
— INA.fr (@Inafr_officiel) July 19, 2024
⏪À l'époque, Harlem Désir, alors président de SOS Racisme et Carl Lang secrétaire général du Front national refusent de se saluer. Ils expliquent pourquoi en direct à la télévision. pic.twitter.com/cignLzmnzZ
Dans l’enceinte du Palais-Bourbon aussi, le débat ne date pas d’hier. En 2012, de nombreux élus avaient déjà refusé de serrer la main de la benjamine de l’époque : Marion Maréchal-Le Pen, alors âgée de seulement 22 ans. Parmi eux : plusieurs députés UMP, dont Jean-François Copé, François Fillon, Bruno Le Maire, Eric Ciotti ou encore Gérald Darmanin.
Rebelote pour Boyard
Preuve que le geste est loin d’être rare, Louis Boyard en avait fait de même lors du précédent vote pour le perchoir, en 2022, provoquant déjà un torrent de réactions sur les réseaux sociaux. Le jeune insoumis, qui surveillait l’urne, avait à l’époque refusé de serrer la main du Philippe Ballard. «Un geste d’impolitesse, d’intolérance, de manque de respect», avait dénoncé le député RN.
Mais deux ans plus tard, Louis Boyard n’a pas changé d’avis. «On ne serre pas la main à l’extrême droite», a répété l’élu sur X jeudi. «Jamais.»