François Bayrou avait été alerté en 1996 sur des violences dans un collège catholique de la Loire par deux enseignantes qui n’ont jamais obtenu de réponse, selon le rapport publié mercredi 2 juillet par la commission d’enquête parlementaire lancée après le scandale Bétharram. Dans leur courrier à celui qui est alors ministre de l’Education nationale, elles faisaient état d’«humiliations, de châtiments corporels abusifs et de violences physiques» au sein du collège Saint-Jean de Pélussin, écrivent les auteurs du rapport.
Un an plus tôt, les deux femmes avaient déjà signalé à la justice des soupçons d’attouchements sur des élèves commis par le directeur de l’établissement, le prêtre Jean Vernet. Celui-ci a ensuite été condamné à 18 mois de prison ferme pour agressions sexuelles sur une trentaine de mineurs. Le responsable local de l’enseignement catholique «nous l’avait reproché, en déclarant : “On aurait pu régler l’affaire en famille“», se souvient Elisa Beyssac-Vinay dans un échange avec l’AFP.
«Il ne nous a jamais répondu»
Après l’exclusion du directeur, les deux enseignantes ont été témoins de nouvelles maltraitances de la part d’enseignants et de surveillants. Elles ont alors décidé de s’adresser à leur ministre de tutelle. «Des enfants sont en danger, nous sommes menacées, nous ne pouvons rester dans cet état», écrivent-elles à François Bayrou, dans leur courrier daté du 23 août 1996, consulté par l’AFP. «Il ne nous a jamais répondu», affirment Élisa Beyssac-Vinay et Marie-Dominique Chavas.
Selon le rapport parlementaire, elles s’adressent alors directement au président Jacques Chirac, et dénoncent des faits «troublants de ressemblance» avec ceux dénoncés par les victimes de Notre-Dame-de-Bétharram (Pyrénées-Atlantiques). Elles rapportent notamment qu’un enfant a eu un tympan perforé après avoir été frappé par un surveillant. Le chef de l’Etat demande des éléments de réponse au ministère de l’Education nationale, qui s’abrite derrière la procédure judiciaire en cours. Le dossier n’ira pas plus loin.
«J’ai été rattrapée par cette douloureuse affaire, qui, comme celle de Bétharram, remonte à 30 ans, après avoir tenté de m’en tenir éloignée en ne suivant pas les auditions de la commission», confie Marie-Dominique Chavas, professeur d’histoire-géographie à la retraite.
«Propos inacceptables»
A l’inverse, Elisa Beyssac-Vinay a suivi «trois auditions de la commission d’enquête, dont celle de François Bayrou». «Les propos inacceptables qu’il a tenus sur la lanceuse d’alerte de Bétharram m’ont conduit à écrire la semaine dernière à la commission», dit-elle, en référence à l’ex-professeure de Bétharram Françoise Gullung que le Premier ministre a accusé d’avoir «affabulé». Son courrier est arrivé trop tard pour qu’elle soit auditionnée, selon Mediapart qui consacre une longue enquête à ce «scandale oublié».
Le Premier ministre, François Bayrou a contesté mercredi l’accusation de la commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire, qui lui a reproché un «défaut d’action» ayant permis aux agressions de «perdurer» au collège-lycée de Bétharram.
«C’est exactement le contraire», a réagi l’entourage du Premier ministre, qui s’est félicité que la commission ait «refusé de suivre» le corapporteur de La France insoumise Paul Vannier «qui souhaitait» le «mettre en cause», y compris devant la justice. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet a fermé définitivement la porte à cette éventualité, jugeant mercredi soir «sans objet» la demande du député de poursuivre le Premier ministre pour «faux témoignage», étant donné que la présidente de la commission d’enquête avait déjà «rejeté» une telle requête.
Cette affaire touche très personnellement le chef du gouvernement. Son épouse a enseigné le catéchisme et plusieurs de ses enfants ont été scolarisés dans cet établissement catholique situé près de sa ville de Pau, visé par plus de 200 plaintes d’anciens élèves pour des violences physiques et sexuelles pendant des décennies.