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«Paris mérite un maire, pas un prévenu», «on n’est pas l’Amérique de Trump» : après le renvoi de Dati en correctionnelle, de maigres soutiens et une vague de tacles

Renvoyée en procès pour corruption et trafic d’influence, mardi 22 juillet, la ministre de la Culture est la cible de nombreuses attaques à gauche et en macronie.
Après son renvoi, Rachida Dati s’est empressée de dénoncer des magistrats qui «marchent» sur les droits de la défense. (Albert Facelly/Libération)
publié le 23 juillet 2025 à 13h01

Renvoyée mardi en correctionnelle pour corruption et trafic d’influence, la ministre de la Culture Rachida Dati se retrouve dans une position délicate. Pour celle qui ne rate jamais une occasion de distribuer les baffes à gauche comme dans son camp, ce renvoi, aux côtés de l’ex-tout puissant patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn, offre une fenêtre de tir que ses détracteurs n’ont pas manquée.

Le premier à dégainer aura été Emmanuel Grégoire, député PS et candidat aux municipales dans la capitale contre la maire LR du VIIe arrondissement, qui songe aussi à prendre part à la législative partielle dans la 2e circonscription de Paris. L’ancien premier adjoint d’Anne Hidalgo a été prompt à dégainer une tribune contre son adversaire dans le Nouvel Obs, mise en ligne mardi. Le titre ne trompe pas, alors que Dati est peut-être la meilleure candidate de droite pour la gauche dans la capitale : «Paris mérite un maire, pas un prévenu.»

Les candidats de la gauche pour Paris sortent la sulfateuse

Et le socialiste de dérouler : «Qui peut prétendre œuvrer pour tous en étant rémunéré dans l’ombre par de puissants groupes privés ? Une telle situation ne crée pas seulement une suspicion légitime, elle constitue une menace directe pour l’impartialité de la décision publique». «[Les Parisiens] veulent un maire dont l’action est guidée par le seul souci de l’intérêt général, pas un prévenu aux prises avec la justice pénale. Ils veulent un maire dont les mains sont libres et l’esprit tourné vers l’avenir de Paris, pas vers la gestion de son propre agenda patrimonial et judiciaire», a encore sulfaté Emmanuel Grégoire.

Comme lui, les deux autres candidats de gauche pour les municipales à Paris ont sauté sur l’occasion. «Comment Mme Dati peut […] mener une campagne en faisant de la sécurité, de la lutte contre la délinquance, du respect de la loi sa priorité absolue et être elle-même convoquée au tribunal pour des faits de corruption ?», a interrogé le sénateur communiste Ian Brossat sur LCI mardi soir. L’écologiste David Belliard a lui réagit sur X en affirmant qu’«on savait que la droite & les macronistes n’avaient pas de projet pour Paris. Maintenant on sait qu’ils ont comme candidate une ‘’ministre/candidate aux législatives/candidate à Paris’' accusée de faits graves de corruption. LR/Renaissance, ce n’est pas 1 alliance, c’est un gang !».

«On n’attaque pas les juges, on n’est pas l’Amérique de Trump»

Les déboires judiciaires de l’ancienne ministre de la Justice arrangent décidément bien du monde à Paris et même chez les membres du «socle commun». Candidat sous l’étiquette Horizons pour 2026 dans la capitale, donc adversaire de Rachida Dati, Pierre-Yves Bournazel appelle la sarkozyste à démissionner du gouvernement, selon le Parisien. Le proche d’Edouard Philippe lui demande aussi de réfléchir à abandonner ses rêves d’Hôtel de Ville : «Cela relève de sa conscience et de son éthique personnelle.»

Le renvoi de l’ancienne eurodéputée ne devrait d’ailleurs pas aider à convaincre les macronistes parisiens déjà divisés sur la question de la soutenir ou non en 2026. Défenseur d’une candidature Renaissance à Paris, l’ancien ministre Clément Beaune n’a pas mâché ses mots ce mercredi sur France 2. «Quand on est ministre, on n’attaque pas les juges. […] On n’est pas l’Amérique de Trump, on est la République française, on doit respecter un certain nombre de principes. De confiance, d’indépendance de la justice», s’est indigné Clément Beaune, s’inquiétant d’avoir «entendu des propos très virulents contre les juges» de la part de l’élue parisienne. Mardi soir, Rachida Dati s’est en effet empressée de dénoncer sur LCI des magistrats qui «marchent» sur les droits de la défense et leur porteraient des «atteintes graves».

Maigre consolation, Rachida Dati aura reçu au moins un soutien chez Renaissance, celui de Gérald Darmanin. Le garde des Sceaux a salué mardi soir sur TF1 «une grande femme politique» et rappelé que celle-ci restait «présumée innocente».

La droite met le paquet sur la présomption d’innocence

De nouveau encartée chez Les Républicains depuis quelques mois, cette dernière a au moins pu compter sur le soutien de ses camarades. Malgré son soutien à Michel Barnier, dont il fut membre de son éphémère gouvernement, pour la législative partielle à Paris, le LR Othman Nasrou a lancé sur franceinfo qu’on ne pouvait «avoir de principes à géométrie variable» et estimé que le «principe de présomption d’innocence» empêchait toute démission de ministre mis en cause.

Même son de cloche de la part de la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, sur TF1. Rachida Dati «est présumée innocente, elle exerce sa mission de ministre de la Culture avec beaucoup de détermination. Il n’y a pas de raison à ce stade pour que nous ne gardions pas notre confiance», selon l’ancienne sénatrice, elle aussi membre des Républicains. Un parti dont le récent slogan, «la France des honnêtes gens», semble de plus en plus mal choisi.