Même pas une semaine en poste, et déjà une première tempête à gérer. Elisabeth Borne assure ce dimanche matin qu’elle n’était «bien évidemment pas au courant» des accusations de viols visant Damien Abad avant sa nomination au gouvernement, vendredi. «J’ai découvert [le sujet] hier, je n’ai pas plus d’éléments que le fait que l’affaire a été classée sans suite.» Mais la nouvelle Première ministre s’engage : «Je vais être très claire : sur tous ces sujets de harcèlement et d’agression sexuelle, il ne peut y avoir aucune impunité. […] Je peux vous assurer que s’il y a de nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie, nous tirerons toutes les conséquences de cette décision.»
Après qu’Emmanuel Macron a réaffirmé durant la dernière campagne vouloir refaire de l’égalité femmes-hommes la «grande cause de son nouveau quinquennat», Elisabeth Borne affirme plus largement qu’il «faut continuer à agir pour que les femmes victimes d’agression ou de harcèlement puissent libérer leurs paroles, qu’elles puissent être bien accueillies pour porter plainte.
Damien Abad accusé de viols: "pas au courant", Élisabeth Borne assure qu'il n'y aura "aucune impunité pour personne" pic.twitter.com/FRBKIKxOO7
— BFMTV (@BFMTV) May 22, 2022
Lors d’un déplacement à Bordeaux dans la soirée en compagnie du ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, Gérald Darmanin ne s’est pas montré très loquace, pour une fois. «Nous n’avons pas de commentaire à faire, la Première ministre s’est exprimée. On la laissera le faire de nouveau si elle le souhaite», a commenté du bout des lèvres Darmanin. Avant de simplement répondre «je ne sais pas» à la question de savoir si Damien Abad sera présent au premier conseil des ministres du nouveau quinquennat Macron ce lundi matin.
Samedi soir, Mediapart a révélé que Damien Abad, l’ancien patron des députés LR fraîchement nommé ministre des Solidarités, a fait l’objet d’un signalement lundi 16 mai à LREM et LR par l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique. Deux femmes, témoignant auprès du média, l’accusent de viol pour des faits remontant à la fin de 2010 et au début de 2011, après l’élection au Parlement européen du centriste (il a été eurodéputé de 2009 à 2012, avant d’être élu à l’Assemblée nationale).
Dans un communiqué envoyé ce dimanche midi, Abad «conteste avec la plus grande force ces accusations de violences sexuelles», avoir exercé «quelque forme de contrainte que ce soit» ainsi que «tout abus de pouvoir» lié à ses fonctions. Il met surtout en avant son handicap, les accusations des deux plaignantes relatant «des actes ou des gestes qui me sont tout simplement impossibles».
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Un peu plus tôt dans la matinée sur Franceinfo, le député LREM Gilles Le Gendre s’est dit «ni informé» «ni compétent» pour en dire plus. Tout en appelant à être «extrêmement scrupuleux» aussi bien «dans le respect absolu de la parole des victimes éventuelles» ainsi que dans celui «des procédures et des autorités qui sont responsables pour en connaître et pour en traiter».
Même ligne de défense ce midi pour François Bayrou, patron du Modem et proche d’Emmanuel Macron : «Je ne sais rien de cette affaire, je n’ai aucun élément pour y réfléchir, il y a une justice, un déroulé des enquêtes, je n’ai aucune opinion sur ce sujet», déclare-t-il sur BFM. Bayrou «n’entre pas dans cette surenchère, si c’est fondé c’est normal qu’il y ait des suites, si ça n’est pas fondé c’est problématique d’alimenter la chose». L’ex-ministre de la Justice, démis de ses fonctions après des accusations d’emplois fictifs d’assistants parlementaires, appelle «à faire la différence entre les accusations, les enquêtes, et les décisions de justice».
Le président des députés Modem, Patrick Mignola, est sans surprise sur la ligne du patron de son parti : «notre société doit croire la parole des femmes, et la justice doit les entendre. Si la justice peut se saisir après ces révélations, elle doit le faire. […] Mais on ne peut pas pré-condamner les gens sur la base d’affirmation. La justice doit passer et déterminer, ou non, s’il y a lieu de condamner […]», affirme-t-il ce midi sur France 3. Et Mignola de conclure : «Damien Abad aura toutes les raisons de quitter le gouvernement s’il est condamné, il n’a pas de raison de le quitter si ce n’est pas le cas».
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Sur le même plateau, le secrétaire national d’EE-LV, Julien Bayou, se montre beaucoup plus ferme : «Damien Abad n’aurait jamais dû être nommé [ministre des Solidarités]. De ce que je comprends, son attitude à l’égard des femmes est un secret de polichinelle. Il y a des accusations très graves. J’appelle le procureur à se saisir, pour qu’il puisse y avoir une enquête, voire que ça libère la parole d’autres femmes et que la justice puisse se prononcer.» Le leader écologiste s’en prend même au parti des Républicains, qui abritait Damien Abad jusqu’à sa «mise en congés» jeudi 19 mai : «Ils ont été avertis, ils auraient dû instruire. Il est important de pouvoir écarter les personnes qui sont très lourdement mises en cause, plutôt que de les promouvoir.
Egalement confronté au sein de LFI à ce sujet, avec l’éviction de Taha Bouhafs visé par une enquête interne pour violences sexuelles, Jean-Luc Mélenchon considère ce dimanche sur RTL «qu’en matière de violences sexistes et sexuelles, pour notre part, nous croyons d’abord la parole des femmes. On peut dire que c’est arbitraire mais il faut faire un choix». Selon le leader insoumis, «il y aurait eu une intervention» si un tel signalement avait été fait dans son parti, avec une commission «qui est saisie, qui est composée de femmes».
L’observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique ainsi que l’association NousToutes appellent à une manifestation ce mardi à 18 heures à Paris, place Saint-Augustin, contre ce «gouvernement de la honte».
Mise à jour : à 19 h 02 avec la réaction de Gérald Darmanin et l’appel à manifester mardi soir.