Emmanuel Macron avait-il en tête, ce jeudi 15 août, les scores du Rassemblement national à Saint-Raphaël en 2024 (39 % aux européennes, 47 % au premier tour des législatives) lorsqu’il s’apprêtait à prononcer, dans cette commune de l’est-Var où reposent 464 soldats tombés pour la France en 1944, son discours de commémoration des 80 ans du Débarquement de Provence ? Devant plusieurs dirigeants africains et élus – dont certain d’extrême droite – de la région, voilà en tout cas le chef de l’Etat qui s’autorise un interstice politique au milieu des hommages aux 250 000 soldats de l’Armée «B», composée notamment de 84 000 Français d’Afrique du Nord, 130 000 soldats dits «musulmans», d’Algérie et du Maroc et 12 000 soldats de l’armée coloniale, comme des tirailleurs sénégalais. «Lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt vital de la nation, tous ceux qui se reconnaissent comme Français ont vocation à être ensemble», lance le Président depuis la nécropole de Boulouris.
«Officiers de l’Empire ou enfants du Sahara, natifs de la Casamance ou de Madagascar, […] ils n’étaient pas de la même génération, ils n’étaient pas de la même confession, poursuit-il. Ils étaient pourtant l’armée de la nation, armée la plus fervente et la plus bigarrée.» Dans une cérémonie maintenue malgré les mauvaises conditions météo – au contraire de la reconstitution du Débarquement prévue plus tard dans la matinée à Toulon – il égrène les prénoms de «ces hommes [qui] s’appelaient François, Boudjema, Harry, Pierre, Niakara», rappelant qu’«un grand nombre d’entre eux, spahis, goumiers, tirailleurs africains, antillais, marsouins du Pacifique, n’avaient jamais foulé le sol de la métropole» avant de participer à la libération du pays.
«Nous n’oublions rien»
«La part d’Afrique en France est aussi ce legs qui nous oblige», a plaidé Emmanuel Macron, insistant sur le fait que les noms de ces soldats «doivent continuer d’être donnés à nos rues, nos places, pour inscrire leurs traces impérissables dans notre histoire» et «ne rien oublier de leur courage et de leur combat». «Nous n’oublions rien», a-t-il conclu après avoir tenu à rappeler «l’importance de ne rien céder des valeurs de ces batailles, celles pour le droit international, le refus de quelque double standard que ce soit, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, leur souveraineté, leur intégrité territoriale», avec «la volonté farouche de continuer d’avoir un monde et des institutions plus justes, plus équilibrées, de ne nous habituer à rien».
Avant lui, le président du Cameroun, Paul Biya, s’était exprimé au nom des chefs d’Etat et de gouvernement étrangers présents – et bien moins que lors des commémorations de 1994, 2004 et 2014 compte tenu des tensions diplomatiques de la France avec plusieurs pays du continent, notamment l’Algérie –, avait lui aussi souligné le rôle de ces soldats venus des ex-colonies françaises. «Il n’y aurait pas eu de victoire alliée sans la contribution des autres peuples, sans les étrangers et autres tirailleurs, a-t-il déclaré. Cette lutte a été menée ensemble, pour défendre les valeurs et les idéaux universels de paix et de justice.»