On a cru voir Candide à Strasbourg. En arpentant ce samedi 26 août les amphis de l’université de Strasbourg, où le PCF tient son université d’été, Fabien Roussel a résisté aux assauts des journalistes avides d’une réaction sur les polémiques qui minent la gauche depuis des semaines. A commencer par la proposition d’une liste commune de la Nupes menée par Ségolène Royal, sortie la veille de son chapeau chez les insoumis. «Moi, je ne veux jamais avoir de mots durs envers quiconque. Ségolène Royal doit être très contente, et je suis très content pour elle aussi que les insoumis l’accueillent les bras ouverts», a-t-il répliqué, se permettant seulement d’ajouter que le come-back étonnant de l’ex-candidate à la présidentielle lui tirait «un sourire, car je suis poli».
Le sujet, ce samedi, pour lui, c’était «l’inflation et le pouvoir d’achat», a répété le secrétaire national du PCF devant plusieurs centaines de «camarades» conquis par son allocution alliant uppercuts et singeries dirigés contre le gouvernement. A commencer par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui tient ce dimanche un grand raout pour sa rentrée politique dans le Nord… terre d’adoption et d’élection de Roussel. Poings sur les hanches, mimique comique et voix fluette, le député fait éclater de rire l’auditoire, en raillant le thème de Darmanin, ce dimanche : «Comment parler aux classes populaires ?» L’élu communiste du Nord assure à distance le ministre de l’Intérieur qu’il aurait bien aimé venir lui dire en face «qu’il est comptable devant les classes populaires de la politique menée depuis sept ans» : «Retraite à 64 ans, non-revalorisation des salaires, hausse de la CSG : nous allons faire en sorte que les classes populaires s’en souviennent !»
Paix, social et climat
Visiblement en jambes, Roussel a déroulé les trois thèmes de la rentrée communiste, qu’il martèlera lors de la Fête de l’Humanité, dans trois semaines : la paix (anti-impérialisme, soutien aux «peuples en lutte» et résolution du conflit ukrainien par «la politique et la diplomatie» et non «une guerre longue»), le social et le climat – pour lequel le PCF dévoilera un «pacte climatique» pour une «révolution écologique» en novembre. A quelques mètres, l’ancien patron des Jeunes communistes, Léon Deffontaines, est tout sourire. Le garçon sera la tête de liste du parti pour les européennes du 9 juin 2024.
S’il est «tout affairé à son discours à écrire» qui conclura l’université d’été ce dimanche, il est moins avare que le patron du PCF en commentaires sur la sortie de Ségolène Royal, soutenue par Jean-Luc Mélenchon. «La France insoumise est en train de trahir ses électeurs», cingle-t-il, en visant les traités de libre-échange et constitutionnels européens «qu’elle a toujours soutenus». Il conclut : «J’invite Mme Royal à venir à Whirlpool, à côté de chez moi, pour expliquer aux travailleurs en quoi l’Europe qu’elle a toujours défendue les a aidés…»
Après la traditionnelle Internationale, les camarades s’affairent devant une buvette surmenée. «Ah, il n’y a pas de pastis !» regrette Fabien Roussel, qui se rabat sur la bière pression. Un camarade l’interpelle : «J’ai beaucoup aimé ton intervention sur Médine, je ne suis pas toujours d’accord avec toi mais là, chapeau.» «Il fallait le faire», réplique l’intéressé, qui, quelques minutes plus tôt, a «apporté tout [son] soutien à Rachel Khan qui a fait l’objet d’un jeu de mots odieux», en référence au tweet accusé d’antisémitisme du rappeur envers l’essayiste. Des mots «inacceptable, injustifiable, inexcusable», au même titre, a lancé Fabien Roussel, que «les propos racistes envers nos concitoyens musulmans». «Je pense notamment à l’odieux Zemmour ou encore au nouveau directeur du JDD», a-t-il précisé.
Alliance «dépassée»
Devant la buvette, la discussion s’attarde pourtant sur le rappeur du Havre. «Et alors, une déprogrammation à la Fête de l’Humanité ?» s’enquiert auprès de Fabien Roussel le camarade dans la file. Moue du patron du PCF : «Ça se discute, on verra dans les prochains jours…» A Strasbourg, les communistes assument une université aux airs de rentrée des classes, émaillée de conférences à la sauce universitaire, «loin de l’affichage» et sans personnalités politiques d’ampleur. On n’aura croisé aucune figure des autres formations qui composent la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, alors que la question de sa survie déchire les états-majors des autres partis de gauche. Pas conviés ou pas intéressés ? «Ce n’était pas le sujet aujourd’hui», balaie-t-on en interne.
Devant la presse, Roussel tout de même a pris un peu plus ses distances avec une alliance qu’il estime «dépassée». Appelant au «respect» de chacun, il affirme que «si cette coalition des forces de gauche et écologistes doit se poursuivre, elle doit progresser dans ce sens-là». «La Nupes, c’est une coalition de forces politiques, ça ne doit pas devenir une force politique, a-t-il lâché. Quand la gauche est plus préoccupée par le bruit qu’elle fait que par les solutions à construire, les Françaises et les Français s’en détournent.» Peu de chances, alors, qu’il réponde positivement aux propositions socialistes et écologistes de préparer, dès 2024, l’échéance de 2027.