C’est à se demander si la majorité présidentielle se demande comment se mettre encore plus les Français à dos. Et de provoquer la gauche comme les syndicats. Ce dimanche, on apprend dans le Figaro que des députés Modem ont une idée lumineuse pour trouver de l’argent afin d’équilibrer le système des retraites : rallonger le temps de travail des salariés de 35 heures, à 35 heures et 30 minutes. Une proposition qui passerait par le dépôt d’un amendement dans le projet de loi sur la réforme des retraites.
La gauche n’a pas tardé à réagir. «Leur projet : démanteler une à une toutes les conquêtes sociales des cinquante dernières années», fustige ce dimanche matin le député Génération.s Benjamin Lucas. «Le gouvernement veut nous faire travailler deux ans de plus avant la retraite. On apprend que les députés Modem déposeront un amendement pour remettre en cause les 35 heures. Bientôt une tentative pour supprimer une semaine de congés payés ?» se demande William Martinet, député LFI des Yvelines. «La retraite à 64 ans ne leur suffit pas. […] Et demain, la fin des congés payés ? Stoppons-les !» assène dans le le même genre le député et patron du PCF Fabien Roussel, qui appelle à maintenir la pression lors de la prochaine manifestation nationale, le 31 janvier.
«Travailler un peu plus longtemps»
Les députés du parti membre de la majorité macroniste ont pourtant sorti les calculettes. La mesure rapporterait «au moins» 2 milliards d’euros. Pour le patron du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, Jean-Paul Mattei, cela permettrait de «baisser la décote pour les petites retraites et les carrières hachées» mais aussi de «trouver des équilibres financiers».
Le chef de file du parti de Bayrou sur la question des retraites, Philippe Vigier, soutient lui aussi l’idée : «S’il y a une demi-heure de travail en plus par semaine, cela génère des cotisations sociales. Et cela permet de consolider financièrement ce système des retraites par répartition.» L’idée serait à ses yeux de «travailler un peu plus longtemps, un peu à l’image de la journée de solidarité, qui ne fait plus aucun débat aujourd’hui». La semaine dernière, Bayrou avait soutenu l’idée d’augmenter les cotisations patronales. L’amendement figure donc d’un changement de braquet idéologique. Et loin des nombreuses propositions de réforme avancées par les syndicats.
Agenda
Mais selon le Figaro – qui titre pourtant sans vergogne «Des députés macronistes veulent revenir sur les 35 heures» –, l’idée ne semble pas fait florès dans le reste du camp présidentiel. «Il n’est pas envisagé d’ouvrir la question de la durée légale du temps de travail, rassure à sa manière la patronne du groupe Aurore Bergé. Ce que l’on souhaite faire, c’est plutôt donner de la souplesse aux Français qui souhaitent pouvoir moduler leur temps de travail tout au long de leur vie en facilitant l’accès au compte épargne temps, qui permet d’alimenter son plan d’épargne retraite.» «Pour les députés Renaissance, c’est non !», confirme sur Twitter le député macroniste du Cher François Cormier-Bouligeon. Notre ligne est fixée depuis 2017. Nous ne touchons pas à la durée hebdomadaire légale du travail et nous défiscalisons les heures supplémentaires.»
«Cette proposition est une découverte pour moi. Cela aurait peut-être mérité des débats au sein de la majorité en amont… D’autant que le nombre de Français travaillant 35 heures par semaine ne fait que baisser. Dans un contexte déjà compliqué, rouvrir le débat sur le temps de travail ne me semble pas approprié», affirme la porte-parole de Renaissance Maud Bregeon. Toutefois, la question demeure posée pour les cadres et ceux au forfait jours : une augmentation du temps de travail de trente minutes ferait-elle baisser d’autant le nombre de jours de RTT glanés ?
«Objets de polémiques»
Pour un député Horizons cité par le Figaro, pourtant peu avare de propositions très droitières sur les questions économiques et sociales, «il n’a jamais été question de revenir sur le temps de travail. La majorité cherche des compromis, pas de nouveaux objets de polémiques. Si on ajoute cela à la mesure d’âge, on charge la barque avec le risque qu’elle coule.»
Depuis une semaine, la majorité présidentielle semblait pourtant avoir fait passer le message dans ses troupes que le temps politique n’était pas celui de la provocation et de l’impudence. Deux jours après la mobilisation massive contre les retraites dans tout le pays et alors que les Français rejettent à l’unisson dans les études d’opinion le fait de travailler deux ans de plus, cette proposition du Modem risque pourtant de remettre un peu de carburant dans le moteur de la contestation.
Mise à jour à midi : avec les déclarations de William Martinet