Les baptêmes du feu s’enchaînent et se ressemblent pour les nouvelles têtes d’affiche du gouvernement. Après la première prestation de sa porte-parole, Olivia Grégoire, criblée de questions sur les accusations de viol visant son collègue Damien Abad, c’est au tour de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra de découvrir les joies de la communication de crise. Son interview sur RTL lundi matin et son point presse à la mi-journée avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, seront suivis par une audition par les commissions des lois et des affaires culturelles du Sénat mercredi. Regrettant dans un communiqué une «triste image de la France aux yeux du monde», les sénateurs (en majorité de droite et du centre) ne se priveront pas de mettre le gouvernement en difficulté à dix jours des élections législatives.
Dossiers lourds sur les bras
Depuis sa nomination à Matignon il y a deux semaines, Elisabeth Borne affronte des polémiques. Le symbole de la nomination d’une deuxième femme à la tête du gouvernement imprime peu. Le 19 mai, son premier déplacement de terrain, consacré à l’émancipation des jeunes femmes, avait été parasité par le retrait de la candidature de Jérôme Peyrat, un proche d’Emmanuel Macron investi malgré une condamnation pour «violences conjugales». Le week-end suivant, elle est rattrapée dans le Calvados, où elle est candidate aux législatives, par les révélations de Mediapart sur le nouveau ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. «On s’est fait marcher dessus sur l’affaire Abad, constate un député LREM, candidat à sa réélection. C’est un truc polluant, personne ne m’en parle dans la campagne mais ce n’est pas l’image qu’on veut renvoyer. Surtout quand on a réussi à avoir Borne et Ndiaye.» Un recrutement surprise au ministère de l’Education nationale, effectivement vite éclipsé. Avec respectivement 41 % et 45 % de taux de satisfaction dans le baromètre de l’Ifop pour le Journal du dimanche, Macron et Borne commencent le quinquennat sans état de grâce. Pire, le gouvernement semble ballotté pendant que le Président, happé par les dossiers internationaux (il commence la semaine au Sommet européen de Bruxelles), laisse de l’espace sur la scène française.
Au-delà de Damien Abad et du Stade de France, la majorité a deux dossiers lourds sur les bras. La forte inflation et l’état de l’hôpital ont d’ailleurs été cités par Borne parmi les «urgences» auxquelles s’atteler tandis que Macron doit rencontrer des professionnels de santé, ce mardi au centre hospitalier de Cherbourg, pour parler de l’accès aux soins. Quant à l’explosive question du pouvoir d’achat, la Première ministre invoque autant qu’elle le peut le «projet de loi qui sera sur le dessus de la pile» de la prochaine Assemblée nationale et présenté en Conseil des ministres après le second tour. Mais le flou demeure sur le contenu de certaines mesures, comme le chèque alimentaire, dont on ne connaît toujours pas les contours, ou le dispositif bénéficiant aux gros rouleurs, censé prendre le relais de la ristourne de 18 centimes par litre de carburant qui s’achève fin juillet. La «période de réserve» qui limite les marges de communication des ministres par temps de campagne électorale empêche ceux-ci de montrer qu’ils s’emparent du problème, justifie-t-on dans leurs cabinets, encore en plein mercato. Aussi certains macronistes plaident-ils pour que l’exécutif transmette des éléments sur les futures mesures à des parlementaires de poids pour appuyer le message avant le premier tour, le 12 juin.
«On a que des actualités à subir»
D’ici là, dur de reprendre la main. «Comme on ne peut pas faire d’annonces, on n’a que des actualités à subir, aucune à créer», soupire un conseiller ministériel, qui se rassure : «Ce ne sont pas forcément des bonnes séquences qui s’enchaînent depuis dix jours mais est-ce que ça percole vraiment dans l’opinion ?» Ainsi erre le gouvernement Borne qui peine à dérouler sa politique tant qu’il n’a pas de majorité à l’Assemblée mais doit obtenir cette majorité le 19 juin pour lancer son action.