Le timing est catastrophique pour le Rassemblent national. Le parquet de Nanterre a requis ce mardi 18 juin jusqu’à six mois de prison avec sursis contre deux cadres et une ex-membre du parti d’extrême droite pour complicité de provocation à la discrimination, dix ans après la publication d’un «Guide de l’élu FN» prônant la «priorité nationale». «On a une incitation claire à commettre cette distinction [entre Français et étrangers], ce sont des instructions qui sont carrément données aux élus», a estimé le ministère public.
Le procureur a requis six mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende contre deux des prévenus, le maire d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), Steeve Briois, et l’ex-secrétaire nationale du Front national (devenu RN) chargée des élus Sophie Montel, qui a quitté la formation en 2017. Contre Marie-Thérèse Costa-Fesenbeck, adjointe au maire de Perpignan, il a demandé une amende du même montant. Aucun des trois prévenus n’était présent à l’audience. Le cas de l’eurodéputé Jean-François Jalkh, poursuivi dans ce même dossier pour provocation publique à la discrimination, a été disjoint et son procès renvoyé au 3 juin 2025 pour raisons médicales.
Steeve Briois «a tout notre soutien», a tweeté le président du RN, Jordan Bardella, pendant l’audience, dénonçant «une grave atteinte à la liberté d’expression à propos d’une mesure de bon sens, largement plébiscitée par les Français».
Alors que la campagne pour les élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet vient de s’ouvrir, le tribunal de Nanterre a rejeté en début d’audience la demande des prévenus de renvoyer les débats. Leur défense avait argué que «cette idée [celle de la «priorité nationale», ndlr] est soumise au vote de millions d’électeurs français». Le «tribunal estime qu’un nouveau renvoi nuirait davantage à l’œuvre de justice», a tranché le président en référence aux précédents renvois de cette affaire, commencée en 2014.
Cette année-là, l’association la Maison des potes, partie civile, déposait plainte contre les responsables de la publication du «Petit guide pratique de l’élu municipal Front national». Dans ce document édité avant les municipales de mars 2014, le FN recommandait à ses candidats «l’application des nombreux points du programme Front national», dont «la priorité nationale dans l’accès aux logements sociaux».
En «cas de condamnation le programme du RN sera vide»
Pour Slim Ben Achour, l’un des avocats de la Maison des potes, «l’idée du FN c’est […] de mettre en place la ségrégation en France en se débarrassant de l’égalité» au détriment des étrangers et immigrés. Steeve Briois, alors secrétaire général du FN, avait rédigé l’éditorial préfaçant le «guide pratique». Marie-Thérèse Costa-Fesenbeck est soupçonnée d’avoir mis le document en ligne sur le site internet de la fédération des Pyrénées-Orientales du FN qu’elle dirigeait et Sophie Montel de l’avoir rédigé.
Historique : Le procureur de la République viens de requérir 6 mois d'emprisonnement avec sursis contre les cadres du RN pour avoir prôné la priorité nationale dans un guide électoral. J'interviens pour la @LDH_Fr . En cas de condamnation le programme du #RN sera vide. https://t.co/cBqA8rQ7ZK
— Arié Alimi Avocats (@AA_Avocats) June 18, 2024
L’avocat de Costa-Fesenbeck, Rodolphe Bosselut, a estimé qu’il n’y avait «aucune infraction de provocation à la haine», déplorant «une tentative de criminaliser une opinion». Outre la Maison des potes, la Ligue des droits de l’homme, le Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples, le Groupe d’information et de soutien des immigrés, le Syndicat des avocats de France et SOS Racisme se sont aussi constitués parties civiles, ainsi que plusieurs associations antiracistes européennes.
L’avocat de la LDH, Arié Alimi, a réagi sur Twitter aux réquisitions du procureur, saluant une décision «historique». Ajoutant qu’en «cas de condamnation le programme du RN sera vide». Selon lui, la décision du tribunal sera rendue le 3 septembre.