Nouvelle journée de tractations à l’Elysée. Après la gauche, la droite et son propre camp vendredi, Emmanuel Macron reçoit ce lundi 26 août les chefs de file de l’extrême droite, ainsi que les présidents de l’Assemblée et du Sénat, en vue de désigner enfin un nouveau Premier ministre.
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, y est arrivée à 9 h 30 afin d’ouvrir le bal, que son homologue du Sénat Gérard Larcher clora à 17 heures. Les deux têtes du Parlement feront entretemps une apparition commune en début d’après-midi à l’université d’été du Medef. Le rendez-vous principal à l’agenda présidentiel était toutefois l’entretien avec Marine Le Pen et Jordan Bardella à 10 h 45. Les leaders du Rassemblement national ont été suivis à 12 heures de leur nouvel allié Eric Ciotti.
A la sortie de leur entretien avec le président de la République, les représentants du parti d’extrême droite ont rappelé qu’ils entendent toujours voter la censure si le Nouveau Front populaire est nommé à Matignon. «L’idée qu’il y ait un gouvernement du NFP où il n’y aurait pas de ministre Insoumis ne change strictement rien», a souligné Marine Le Pen.
Billet
Menace de censure qui s’ajoute à celles venues de droite et du centre, que Jean-Luc Mélenchon a espéré désamorcer pendant le week-end en ouvrant la porte à une non-participation de LFI : un gage de bonne volonté pour permettre la nomination à Matignon de Lucie Castets, candidate désignée par le Nouveau Front populaire.
Ce coup politique a été unanimement salué à gauche, car il a poussé ses opposants à se dévoiler. Et à admettre, comme François Bayrou dimanche sur LCI, que «l’opposition à la formation d’un gouvernement autour de LFI» se justifie «principalement en raison du programme» du NFP, qui est selon lui «dangereux pour le pays». «C’est un programme qui, s’il était mis en œuvre, provoquerait une crise», a également prédit le chef des députés Horizons, Laurent Marcangeli, promettant dans Le Figaro de s’y opposer «avec tous les instruments que la Constitution nous offre».
Au fond, pour tous ceux qui ont échangé vendredi avec Emmanuel Macron, «le sujet c’est autant les ministres LFI que l’application stricte d’un programme du NFP lui-même inspiré de LFI», résume un proche du chef de l’Etat auprès de l’AFP.
Marine Le Pen propose un référendum
Ligne rouge qui vire à l’écarlate pour Laurent Wauquiez : le patron des députés Droite républicaine a réaffirmé dimanche sa volonté de «faire barrage» à LFI, de son point de vue «sans doute le plus grand danger politique pour notre pays». Plus que le RN donc, dont l’abstention demeure indispensable afin d’installer un gouvernement de centre-droit et de faire passer un budget avant la fin de l’année.
Budget qui devra quoi qu’il arrive être présenté avant le 1er octobre, ce qui oblige Emmanuel Macron à nommer rapidement un successeur à Gabriel Attal, qui gère les affaires courantes à Matignon depuis déjà 41 jours, du jamais-vu depuis l’après-guerre.
Estimant que le Président «a préféré la paralysie des institutions plutôt que de laisser une alternance s’exprimer dans le pays», Marine Le Pen lui a demandé l’ouverture d’une session extraordinaire à l’Assemblée nationale. «Ce que je veux, c’est que l’Assemblée nationale puisse être en situation d’opérer une censure si c’est nécessaire», a déclaré la présidente du groupe RN à la chambre basse. Alors que les députés doivent se réunir en session ordinaire à partir du 1er octobre, «je ne veux pas que pendant un mois, un Premier ministre puisse par décret, par toute une série de moyens donnés par la Constitution, mettre en œuvre une politique qui soit toxique, dangereuse pour les Français», a insisté Marine Le Pen. Pour éviter la perspective d’un «blocage», elle a également proposé à Emmanuel Macron de «s’adresser directement au peuple» par voie de «référendum»
Interview
Le chef de l’Etat, qui célébrait justement dimanche les 80 ans de la Libération de Paris, semble pourtant tenté de jouer les prolongations. Après un hommage appuyé à «tous ceux qui partageaient une certaine idée de la France» et ont su s’unir «par-delà toutes les divisions», il pourrait à nouveau s’exprimer lundi, avant de nouvelles consultations qui seraient organisées mardi, selon l’Elysée.
Une prise de parole «nécessaire», a estimé son allié François Bayrou, qui s’attend lui aussi à ce que le chef de l’Etat «consulte un peu plus largement». Au risque de retarder encore la décision, sachant que le chef de l’Etat doit participer mercredi à la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques, avant de s’envoler pour une visite en Serbie jeudi et vendredi.
Ce qui ne serait pas du goût du NFP, qui lui a réclamé «une réponse mardi», comme l’a rapporté la cheffe des écologistes Marine Tondelier. Dénonçant les «manœuvres du président de la République pour empêcher [la gauche] de gouverner le pays», le coordinateur de LFI Manuel Bompard a prévenu que tout autre Premier ministre que Lucie Castets entraînerait «censure» du nouveau gouvernement, «mobilisation» dans la rue, et «destitution» d’Emmanuel Macron.
Mise à jour : à 12h48, avec l’ajout de la déclaration de Marine Le Pen à l’issue de son entretien avec Emmanuel Macron.